Nos entrailles sous haute surveillance pour le compte de la fluidité

Aéroports, gares ou encore transporteurs, les grosses machines de l’industrie du voyage passent des grosses commandes aux concepteurs et ingénieurs. Le mot d’ordre : fluidité. Circulez!

Fluidité des voyageurs. Fluidité des bagages. Fluidité des procédures. Fluidité de la manutention et du temps.

Dans un contexte où des millions de personnes voyagent ou re-voyageront à nouveau bientôt chaque jour sur la planète, la fluidité est souhaitable. Mais jusqu’où les voyageurs accepteront-ils de la justifier, et de l’excuser? La fluidité est-elle en train d’avoir le dos très large?

Visage, corps, gestes et voix sous surveillance

Pour atteindre la fluidité de tout ce beau monde et les contextes et modalités qui s’y rattachent, l’industrie sollicite plus que jamais l’invention et la mise en place d’une foule de gadgets : scanners corporels, scanners de bagages, reconnaissance faciale, étiquettes d’identification par radiofréquence, solution infonuagique, technologies de reconnaissance à base des gestes et de la voix…

On scan pour détecter mieux, et plus vite. Donc pour maximiser la fluidité.

L’industrie n’adhère pas seulement à ces nouvelles technologies; elle les dévore en ce moment. Parce que la pandémie a transformé la définition de la fluidité et celle-ci doit dorénavant être sans contact, pour rassurer au plus vite les voyageurs. Et bingo : technologies = sans contact.

Mais l’argument est-il trop parfait?

Rendre l’intrusion à l’agréable

« Il ne sera plus jamais nécessaire de se présenter à un comptoir de l’aérogare pour y faire imprimer des étiquettes à bagages » défend le site Stantec.com pour expliquer les bienfaits des étiquettes d’identification par radiofréquence « dotées d’une puce contenant des informations et d’un dispositif à antenne capable de les transmettre ».

« Profitez d’un parcours fluide et personnalisé » promeut le transporteur Emirates pour justifier l’aménagement d’un parcours biométrique dans ses allées, parcours qui repose notamment sur la reconnaissance faciale biométrique.

Le ton utilisé est parfaitement fignolé : « Pour vous enregistrer, il suffit d’attendre qu’une rapide photo qui capturera les données de votre visage soit prise. Vous pourrez alors passer dans les zones compatibles avec les données biométriques en toute fluidité » plaide Emirates dans son site Internet.

La suite du plaidoyer d’Emirates est un gage de promesses heureuses pour un voyage comme sur un nuage.

« Plus besoin de sortir votre passeport ou votre carte d’embarquement à chaque contrôle, vous pouvez désormais vous déplacer aisément dans l’aéroport grâce à la reconnaissance faciale biométrique.

« Vous pouvez vous enregistrer, passer le contrôle d’immigration, accéder à nos salons d’aéroport dans le Hall B et embarquer sur votre vol à certaines portes en utilisant uniquement la reconnaissance faciale, avec bientôt d’autres possibilités. 

« Avec les notifications de l’App Emirates concernant les voyages, profitez d’un parcours fluide et personnalisé, de l’enregistrement jusqu’à la porte d’embarquement. »

Nos signes vitaux scrutés

Sous prétexte qu’il faut atteindre la fluidité des passagers, on lui excuse aussi une intrusion dans nos entrailles qui va jusqu’à étudier nos signes vitaux.

Dans son billet sur l’essor du voyage sans contact, le blogue de Budget Air.fr cite le site Business Traveller.com et souligne :

« La compagnie aérienne nationale des Émirats arabes unis, Etihad Airways, a installé des kiosques développés par Elenium Automation qui peuvent mesurer vos signes vitaux tels que le rythme cardiaque et la fréquence respiratoire du voyageur. Le kiosque vous mettra en contact avec un médecin par vidéo si vous le souhaitez.

La suite : « Cette nouvelle solution sans contact aidera à identifier les voyageurs médicalement à risque. »

Vulnérabilité

Les scanners, qu’ils soient pour le corps ou les bagages, font de plus en plus leur apparition dans les aéroports. On défend qu’ils remplaceront les fouilles manuelles effectuées par le personnel, réduisant du même coup les contacts entre humains et les manipulations des bagages.

Les gadgets comme le RapidScan fait son bout de chemin dans les faveurs de l’industrie, qu’on décrit comme un « scanner de vulnérabilités ». Si on comprend le principe de départ – détecter des indices indésirables – les entrailles du corps humain sont aussi mises à nus, et donc en situation de vulnérabilité.

Cet exposé de recherche sur les Protocoles de sécurité dans les réseaux parle de ce type de technologies comme étant des outils d’intrusion automatisées :

« Les outils d’évaluation automatisée de la sécurité des systèmes d’information ont
fortement évolué ces dernières années. Ils sont passés de l’outil d’audit non intrusif à l’exploitation de vulnérabilités clé-en-main et en profondeur. Du fait de la possibilité d’utilisation malveillante ou mal contrôlée, cette nouvelle génération d’outils représente une menace à prendre en compte. »

Souriez, vous êtes scanné!

Dans son site Internet, Cathay Pacific ne fait pas seulement l’éloge des portes d’embarquement électroniques; le transporteur encourage leur installation dans les aéroports qu’il fréquente. De Hong Kong à Los Angeles, ces portes sont installées ou mises à l’essai.

Sous le slogan « Souriez, embarquez, profitez de votre vol », Cathay Pacific souligne que « les portes d’embarquement électronique utilisent la technologie biométrique pour scanner votre visage et simplifier le processus d’embarquement, ce qui permet de minimiser les contacts tout au long de votre voyage. Tout le processus est sans contact, rapide et simple. »

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.