Îles-de-la-Madeleine : des résidents à la rue parce qu’il faut loger les touristes

Saviez-vous que des clients à qui vous avez vendu un aller-retour sur le traversier des Îles-de-la-Madeleine, ou encore un billet d’avion vers Cap-aux-Meules, logent peut-être, en ce moment, dans une résidence de location dont le propriétaire a indiqué la porte à ses locataires pourtant permanents? Pour loger les touristes plus payants durant l’été?

Ce n’est pas une légende urbaine ni une histoire de pêcheurs. Et cette histoire vraie est également à l’affiche en Gaspésie.

Depuis le début du mois de juillet, raconte Radio Canada, « le madelinot Jonathan Nadeau vit dans une petite roulotte stationnée dans la cour de ses parents, à Fatima, avec sa conjointe et ses quatre enfants.

« Il ne s’agit pas de vacances estivales, mais bien de camping forcé. La famille Nadeau est contrainte, pour un quatrième été, de quitter la maison qu’elle loue le reste de l’année pour laisser la place aux touristes. »

« On ne peut pas compétitionner contre les touristes qui louent des maisons à 1000 dollars par semaine, a confié Monsieur Nadeau au média. Je ne peux pas arriver et dire que je vais mettre 4000 dollars par mois dans mon été quand je viens de tomber sur le chômage. »

Car il y a une pénurie sévère de logement en tout genre – dont les abordables – aussi aux Îles-de-la-Madeleine. Et cette pénurie est causée, oui, par un tempo trop lent des constructions d’habitations et de logements par rapport à la demande, mais surtout par des prix rendus trop chers pour les habitants des Îles.

Et cette hausse des prix est causée par deux phénomènes : 1-il y a une surenchère immobilière causée par l’arrivée des étrangers acheteurs d’une résidence secondaire et munis de gros comptes de banque…

« Cessez de vendre aux plus offrants, ceux qui viennent pas d’ici! », dit le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre, à ses citoyens.

Ouf! Plus facile à dire qu’à faire ça, pouvons-nous supposer.

2-les propriétaires de maisons de location chargent le plus-que-gros-prix durant l’été pour accueillir la manne sonnante et trébuchante de touristes. Au détriment des locataires permanents.

L’histoire aux Îles-de-la-Madeleine ne dit pas comment un propriétaire réussit à éjecter ses locataires permanents pendant l’été, qui sont techniquement liés par un bail annuel avec des clauses grosses comme le bras, mais ça se fait, visiblement.

Quant à l’histoire de la Gaspésie relatée par Le Devoir, on y précise comment les choses se passent: « Mia Larochelle est l’exemple type. Cette mère de famille a quitté son appartement de Gaspé le 1er juillet dernier. Ses propriétaires et elle avaient préalablement convenu qu’elle libérerait les lieux lors du pic estival. »

Offre d’hébergements aux visiteurs : une autre pénurie

Revenons aux Îles-de-la-Madeleine. Si les résidents subissent une pénurie de logement, le secteur du tourisme aussi. Et bien que mettre des locataires dehors pendant l’été, pour loger des touristes, n’est vraiment pas une solution qui a du sens, le secteur de la location de résidences aussi ne peut et ne pourra pas espérer une meilleure santé. Du moins pour l’instant.

C’est que depuis l’automne dernier, le maire Jonathan Lapierre a suspendu toutes les transactions, les conversions et la construction de résidences secondaires utilisées à des fins touristiques.

Cette suspension, annoncée comme étant temporaire, a un but immédiat : permettra au conseil municipal de revoir en profondeur la réglementation et le zonage des résidences de tourisme.

« On a entendu le message de la population des Îles qui dit que de plus en plus le coût des maisons augmente, que l’accès à la propriété est difficile parce qu’il y a de la spéculation et parce qu’il y a un paquet de gens qui achètent des maisons secondaires pour les louer de façon temporaire, expliquait le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre, au moment de l’annonce de la suspension.

« Aujourd’hui, à peu près n’importe qui peut avoir une résidence secondaire touristique n’importe où. On va mieux encadrer, mieux légiférer, pour déterminer dans quelle zone c’est possible et dans quelle zone ce n’est pas possible » ajoutait Monsieur Lapierre.

Différence entre achat et construction

Le maire avait également confié à Radio-Canada à l’automne dernier que la volonté des élus n’est pas d’interdire la possibilité pour les citoyens d’acquérir une résidence secondaire pour la louer aux touristes. « Ce qu’on veut contrôler, c’est où on le fait » avait-il spécifié.

« Un promoteur pourrait décider de construire trois ou quatre chalets et de les louer à l’industrie touristique, ça serait tout à fait légal et possible aux Îles, mais un même promoteur qui déciderait d’acheter trois ou quatre maisons pour les convertir en résidence de tourisme, ça, ça ne serait pas possible » avait-il ajouté.

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.