
Un reportage de La Presse démontre qu’Ottawa a réduit considérablement les effectifs affectés au traitement des demandes de passeport entre 2018 et 2021.
Résultat : ils étaient presque deux fois moins au début de 2022 pour répondre aux nombreuses demandes des Canadiens désireux de voyager après la levée des principales mesures de restriction.
Selon des données obtenues par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, 1512 fonctionnaires étaient chargés de répondre aux demandes de passeport au début de l’année 2018. On n’en comptait plus que 893 en 2021, un nombre qui est passé à 1161 au cours de l’année suivante.
Cette baisse substantielle des effectifs a nui considérablement à la capacité de Passeport Canada de traiter le flot de demandes au cours de l’été 2022, selon Yvon Barrière, vice-président exécutif régional Québec à l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC).
« On avait entre 40 et 50 % de personnel en moins », précise-t-il.
Où sont allés tous ces employés ?
Un très grand nombre ont été affectés à d’autres services au plus fort de la pandémie, alors que des mesures de restriction limitaient de façon importante les voyages à l’étranger.
De nombreux fonctionnaires de Passeport Canada ont notamment travaillé au traitement des demandes de prestation canadienne d’urgence (PCU) au moment où la COVID-19 forçait l’arrêt de nombreux secteurs d’activité économique.
Un an et demi de retard
Selon M. Barrière, la diminution des effectifs n’est pas la seule cause de la crise des passeports qui a fait les manchettes au cours de l’été 2022. Un retard important dans le traitement des demandes au plus fort de la pandémie a aussi aggravé la situation.
« Les demandes de passeport, alors que les gens ne peuvent pas voyager, ils peuvent patienter. Laissez-les de côté, disaient les gestionnaires », indique M. Barrière, qui estime qu’on a ainsi cumulé jusqu’à un an et demi de retard dans le traitement des demandes.
« Tous les ingrédients étaient là pour ce qu’on a connu [à l’été 2022] », soutient-il.
Au moment où il n’y avait plus de restrictions pour voyager à l’étranger, les employés se sont donc retrouvés à traiter une hausse considérable de demandes de nouveaux passeports ou de renouvellement. Tout cela avec un retard important cumulé dans les deux années précédentes.
Une crise « prévisible »
M Barrière estime que la crise était parfaitement prévisible. « Si les gestionnaires avaient prévu le coup, on n’aurait pas eu les files d’attente qu’on a connues », soutient-il.
Quand Ottawa a entrepris d’embaucher du personnel face au flot de demandes, la situation ne s’est pas nécessairement améliorée, du moins pas à court terme. « Il fallait former les employés et souvent, on prenait les meilleurs pour les former. Ils n’avaient pas le temps de traiter les demandes. »
Le représentant syndical rejette par ailleurs l’argument voulant que le grand nombre d’employés en télétravail au cours des trois dernières années ait pu ralentir le traitement des demandes de passeport.
Selon les données obtenues par La Presse, au moins 80 % du personnel traitant les demandes de passeport a travaillé à distance en 2020, 2021 et 2022.
« Les gens ont des quotas, ils doivent traiter un certain nombre de demandes chaque jour, qu’ils soient à la maison ou au bureau », explique Yvon Barrière.
Toutefois, la majorité des employés prêtés à d’autres services ont été rapatriés, estime-t-il, jugeant que le retard dans le traitement des demandes a été comblé.
« Ils ont eu leur leçon. Ils sont en train de reprendre le contrôle. On ne devrait pas vivre de nouvelle crise », conclut-il.