Ça y est. Le party est pogné dans les agences. « Les gens nous disent presque tous qu’ils ont été trois ans sans voyager. Les gens n’ont pas vraiment de limite de budget. Ils sont plus ouverts à payer cher, ils veulent vraiment voyager. Ils prennent la totale! »
L’agente de voyage qui vient de s’exprimer s’appelle Isabelle Bouchard. Elle est directrice générale de L’Agence par Groupe Voyages Québec, à Alma, et confiait sa jubilation joyeuse au journal Le-Lac-Saint-Jean, dans le cadre d’un article intitulé La pandémie finie, la « folie du voyage » surgit.
Madame Bouchard croit que les agences « battent des records partout ». Chez la sienne, les ventes dépassent à ce point les chiffres pré-pandémiques qu’elle décrit le climat actuel dans son agence ainsi : « C’est la folie voyage! » s’exclame-t-elle.
À Granby aussi le party est pogné. « Cela fait déjà quatre mois que nous vendons des voyages vers l’Europe. Cet été, cela va être épouvantable. Il y a tellement de demandes que l’offre explose. Les gens doivent se décider tôt et faire preuve d’une certaine flexibilité », conseillait Lucie Raiche, propriétaire de l’agence Voyages Lucie Raiche à Granby.
Augmentation des prix? No problemo!
Le party est également pogné chez les cartes de crédit. Pendant qu’elles se remplissent, les comptes de banque baissent – à moins que le sens de la gravité financière ait changé de direction durant la pandémie. Ne disons pas tout de suite que les comptes « se vident » car il parait qu’il y a beaucoup d’argent dans les comptes de banque des citoyens.
« Le désir de voyager de plusieurs est à ce point irrépressible que l’argent ne constitue pas une barrière » jubile Madame Bouchard.
« Les gens maintiennent leur envie de voyager et la dépense voyage est prioritaire pour eux, même dans un contexte de ralentissement économique et d’inflation » expliquait récemment la présidente et cheffe de la direction, Annick Guérard, à Radio-Canada.
En parlant de dépense…
« Le Portugal devient un pays de moins en moins accessible financièrement. (…) Le prix des hébergements touristiques est 14 % plus cher qu’en 2019. (…) Madère détient le record de hausse, avec +35 %, devant les Açores (+22,3 %) et l’Alentejo (+22,7 %) » détaille Geo.
« Pour une famille de quatre personnes, il faut compter entre 9 000 $ et 10 300 $ pour l’avion, l’hôtel et les billets (pour les parcs) sans les repas pour le Walt Disney World Resort en Floride », confiait également Madame Raiche de l’agence Voyages Lucie Raiche, au journal Le Soleil, en spécifiant que ces montants ne refroidissent pas les voyageurs : « La demande pour Walt Disney World Resort en Floride est très forte pour cet été. »
« La demande est très forte et les prix augmentent de semaine en semaine », indiquait pour sa part Lucie Coupal, copropriétaire de Voyages Granby, au même média.
Les médias d’ailleurs parlent eux aussi de la flambée des prix : « Si vous prévoyez de prendre l’avion cet été, préparez-vous à payer plus cher vos billets ! Les prix seront environ 25 % plus élevés qu’en 2019 » souligne-on ici.
« Les acteurs (de notre industrie) croisent les doigts pour que « la reprise des voyages » ne soit pas plombée par la hausse des prix et les crises géopolitiques à répétition, s’inquiète-t-on ici durant le Salon ITB de Berlin.
En tout cas chez nous, ça va très bien. C’est même le Klondike.
En parlant de Klondike…
Vous posez-vous des questions sur la question? Genre où s’en va-t-on ? Les fournisseurs sont-ils en train de créer des précédents?
La question qui tue : le modèle économique du voyage est-il en train de se tirer dans le pied en ce moment?
Quel message l’état des lieux actuel des ventes lance-t-il à notre industrie?
Imaginons la PDG d’Air Mouk-Mouk, le directeur des ventes de l’hôtel Sun Beach On The Beach et la directrice des stratégies du développement des affaires du voyagiste Vacances Oupdidou Soleil qui lisent, tout comme vous, ceci : « les gens réservent deux à trois voyages. On regarde déjà pour des forfaits dans le Sud pour l’hiver prochain. C’est du jamais-vu! », fait remarquer Mme Coupal de l’agence Voyages Granby.
Ils lisent forcément aussi ceci : « L’épargne accumulée par toute une partie de la population pendant les confinements n’a pas encore été totalement dépensée et se déverse dans le secteur », soutient l’économiste allemand Clemens Fuest, de l’institut de recherche IFO, interrogé au Salon ITB de Berlin.
Et ils relisent sans doute aussi ceci : « Les gens n’ont pas vraiment de limite de budget. Ils prennent la totale! » dixit Madame Bouchard.
Quelqu’un pense-t-il à quoi nous pensons?
Pendant combien de temps le Klondike va-t-il klondiké?
La PDG d’Air Mouk-Mouk, le directeur des ventes de l’hôtel Sun Beach On The Beach et la directrice des stratégies du développement des affaires du voyagiste Vacances Oupdidou Soleil vont-ils vouloir faire marche arrière un jour? Et remettre leurs prix à des niveaux tels que nous avons connus avant la pandémie ? Vont-ils baisser leurs prix en constatant que « les clients sont plus ouverts à payer cher »?
Vont-ils convoquer leur équipe à un meeting intitulé « ok c’est assez; réduisons les prix »?
Car ils lisent aussi ceci :
« À côté de la réalité de la hausse des prix du transport aérien, il faut malgré tout mettre une réalité tout aussi évidente : malgré cette hausse croissante, les avions ne désemplissent pas » soulève-t-on ici.
Car pourquoi baisser les prix quand les vols sont pleins.
Mais quand même :
Avec la tomate qui coûte deux fois le prix ou encore la planche de 2X4 qui a encore soif d’inflation, pendant combien de temps pourrons-nous vendre un voyage à WDW pour quatre personnes entre 9 000 $ et 10 300 $ sans les repas ?

Pendant encore combien de voyages-plus-chers la clientèle pourra-t-elle et voudra-t-elle allonger sa carte de crédit?
Et les jeunes générations – nos enfants, vos enfants – pourront-elles s’offrir, de temps en temps, ce voyage dont on a si souvent vanté qu’il forme la jeunesse? La Van Life à 18 sur la banquette arrière deviendra-t-elle la seule option abordable?
Le Klondike du moment va-t-il bientôt voir passer une grosse tuile?