Les sargasses « sont là pour rester », et un coupable est identifié

Photo : Getty Images / HELENE VALENZUELA

« Elles sont là pour rester. Elles sont parties pour durer. Pas pour s’arrêter. La machine est lancée. Ce sur quoi les scientifiques travaillent en ce moment, c’est sur les prédictions quant au chemin qu’elles vont emprunter. Pour éventuellement tenter de les bloquer en mer. »

Laura Desmarais, détentrice d’une maîtrise en environnement dont le sujet de recherche portait sur les sargasses, était l’invitée de Radio-Canada vendredi dernier pour parler de ce fléau.

Et elle nous annonce que les sargasses sont là pour rester.

« L’été dernier, plus de 30 000 tonnes de sargasses – oui, 30 000 tonnes – ont été ramassées sur les côtes mexicaines uniquement » a rapporté Radio-Canada dans le cadre du même reportage.

La saison est commencée

Cette année, en ce moment même, les algues sargasses s’invitent encore sur les côtes et les plages mexicaines, mais aussi des Caraïbes, des petites Antilles et de la Floride.

Il y a moins d’une dizaine de jours, Open Jaw Québec vous rapportait l’inquiétante nouvelle à l’effet qu’une gigantesque masse d’algues brunes, faisant deux fois la largeur des États-Unis, est présentement en direction de la Floride et d’une partie des Caraïbes.

Key West aurait déjà, à l’heure actuelle, accueilli les premières arrivantes.

La question qui tue : pourquoi, depuis 10 ans, la sargasse prend-elle l’ampleur qu’on lui connait?

Au terme de ses recherches, Madame Desmarais a cerné une raison encore jusqu’ici à peine évoquée et qui explique pourquoi, tout à coup depuis une dizaine d’années, les sargasses sont un fléau :

« On pense qu’en 2009-2010, des algues sargasses sont allées plus au sud, jusqu’à l’embouchure de l’Amazone notamment, poursuit Laura Desmarais. Et la décharge importante de nutriments des grands fleuves de l’Amazonie (azote, phosphore) et même du fleuve Orénoque du Venezuela, décharge causée par la déforestation massive, a nourri la sargasse, et lui a permis de se développer et de proliférer. »

L’Homme et ses besoins, toujours grandissants, qui poussent la déforestation de l’Amazonie, est un nouveau responsable indirect identifié de la prolifération de la sargasse.

Les autres motifs sont les suivants : « la hausse de la température des eaux et la dynamique des courants marins favorisent également la prolifération de la sargasse et l’échouage dans les Caraïbes, au Mexique et sur les côtes de la Floride » ajoute-t-elle.

Soyons compatissants…

Les autorités touristiques de toutes les destinations touchées, certes, s’inquiètent de l’impact néfaste de la présence de cette algue sur le tourisme. Mais n’oublions pas également que la situation est un seau d’eau glacée en plein visage pour les populations locales.

Une nuisance les sargasses ? Non : un cauchemar!

« En pleine mer, la sargasse n’est pas une nuisance. Elle est même très importante pour l’écosystème. Pour les poissons, elle constitue un habitat, 1- pour trouver de la nourriture; 2- pour se loger; 3- pour se reproduire, explique Madame Desmarais.

« C’est quand elle va s’échouer sur les plages qu’elle devient une vraie nuisance pour le tourisme. Car les plages deviennent des champs d’algues.

« Elle est une nuisance aussi pour les populations locales qui vivent à côté de ces algues parce qu’elle a un impact sanitaire négatif important quand elle se dégrade. Car quand elle se dégrade, elle émet des gaz d’hydrogène sulfuré dont l’odeur est celle de l’œuf pourri et de l’ammoniac.

« Ces gaz ont aussi un impact sur la santé des populations : maux de tête, nausée, démangeaisons au niveau de la gorge, vomissement, diarrhée.

« Si on est exposé de façon ponctuelle, il n’y a pas d’impact grave. Mais si on est exposé à long terme, ça peut avoir un impact important. »

En rappel : la sargasse, c’est quoi?

-une algue brune composée de feuille

-sa particularité : elle flotte

-pourquoi elle est malcommode : elle se reproduit par fragmentation : on la coupe en deux, elle devient deux sargasses.

D’où elle vient? Et elle arrive comment?

Depuis très longtemps, la mer des sargasses existe. Elle est naturellement présente dans l’Atlantique et dans le Triangle des Bermudes.

« Mais depuis 2011, elle s’échoue dans les Caraïbes. Et elle provient d’une nouvelle mer des sargasses, qui s’est créée en 2009-2010 beaucoup plus au sud, au niveau de la ceinture équatoriale de l’Atlantique. Cette grande ceinture s’étire des côtes du Brésil jusqu’à l’Afrique de l’Ouest » explique Laura Desmarais.

La sargasse remonte grâce au courant côtier, vers les îles des Caraïbes, le Mexique et la Floride.

Peut-on la gérer? Comment évolue-t-elle?

Elle est en constante évolution. En 2013, il n’y a pas eu d’échouage. Mais son volume tend à augmenter d’année en année. Il y a eu trois « grosses années » d’échouage : 2018, 2019, 2021.

Selon la chercheure, « cette année (2023), ça s’annonce très important aussi ».

« On est encore à étudier les paramètres qui influencent la sargasse et favorise sa croissance. On peut la retenir en mer avec des barrages flottants, le long des îles et des plages. »

Où s’informer de son évolution

Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy :

Photo de la carte Martinique : Source : France Info Martinique

Bulletin de prévision d’échouement des sargasses pélagiques sur la Guadeloupe : https://meteofrance.gp/fr/sargasses

Martinique :

Bulletin de prévision d’échouement des sargasses pélagiques : https://meteofrance.mq/fr/sargasses

Madininair : https://www.madininair.fr/Les-algues-Sargasses

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.