Stéphanie Bishop : «j’ai fait au moins une centaine de croisières dans ma vie»

Stéphanie Bishop. Photo: Isabelle Chagnon

Les grands voyageurs ont beau avoir beaucoup voyagé, qui peut glisser, quand même, dans une conversation de salon, avoir fait non pas 10, non pas 30 ni 60, mais bien plus de 100 croisières dans sa vie?

Stéphanie Bishop.

Avant que la directrice générale au Canada de Globus Family of Brands nous quitte, dans quelques jours, pour la retraite, et qu’elle emporte avec elle sa riche expérience dans les croisières, nous vous invitons ici à un tête-à-tête avec cette grande dame – et voyageuse! – de notre industrie.

Open Jaw Québec : Stéphanie, vous avez bel et bien fait plus de 100 croisières dans votre vie?

Stéphanie Bishop : Et bien oui! Environ 80 croisières sur les océans et environ 20 croisières fluviales. Une combinaison de croisières personnelles et professionnelles.

OJQ : Qu’est-ce qui vous séduit autant dans les croisières?

SB : Je trouve que pour une personne curieuse que je suis, c’est une belle façon de découvrir plusieurs endroits à travers le monde. En général aussi, on mange très bien sur les navires. Le divertissement est bon et les activités offertes sont intéressantes.

Aujourd’hui, sur un navire, tu peux faire ce que tu veux. Beaucoup de choses ou très peu. Les journées en mer sont mes préférées. Ces jours-là, je prends mon livre et vais m’installer tranquille quelque part.

Les paquebots sont extraordinaires. Oui, il peut y avoir 4 000 personnes à bord, mais il y a tellement de petits endroits pour créer sa bulle. Aussi, les navires accostent normalement en plein cœur d’une ville. C’est un gros avantage parce que le voyageur n’a pas eu à faire 5 heures de train ou d’autocar pour s’y rendre.

C’est une industrie aussi qui propose tellement de choix aujourd’hui. Il y en a vraiment pour tous les goûts. Et le concept est extraordinaire : le jour, tu visites une destination, et le soir, tu assistes à un spectacle de qualité sur le navire.

Pour quelqu’un qui pense n’avoir qu’une chance, dans sa vie, d’aller dans une région du monde, en Méditerranée par exemple, et bien faire une croisière permet de voir plusieurs endroits et d’avoir un beau tour d’horizon.

OJQ : Un paquebot avec 4 000 passagers, ça ne cause pas de problème pour vous alors?

SB : Quand tu arrives pour l’embarquement, oui, tu dis wow, c’est immense! Mais les compagnies de croisière ont fait un travail extraordinaire dans la gestion de foule. Elles ont par exemple réussi à aménager des lieux intimes à bord.

De plus, avant, toute la paperasse se faisait au port d’embarquement. Aujourd’hui, tout se fait en ligne, à l’avance. Alors quand tu arrives au port, tout est déjà organisé. Tu es à bord en 30 minutes! Il y a même des compagnies qui garantissent que tu vas être à bord en moins de 15 minutes! Cela n’était pas possible il y a seulement 10 ans.

OJQ : En parlant des paquebots, est-ce que vous expliquez pourquoi on en est arrivé là? Pourquoi ils ressemblent autant à des hôtels? Que les attractions à bord – mur d’escalade, mini-golf, etc. – sont autant identiques à celles que l’on retrouve sur la terre ferme?

SB : C’est que le paquebot est devenu LA destination du voyage, avec une multitude d’activités à offrir que ça implique. Aussi, les compagnies de croisière ont découvert qu’en offrant des attractions comme celles-ci à bord, elles réussiraient à apprivoiser toute une gamme de nouvelles clientèles.

Ce phénomène ne m’a jamais étonné. C’est très créatif. Et stratégique. L’objectif d’une compagnie de croisière, c’est d’attirer de nouveaux clients. Car une fois qu’une personne essaye une croisière, les chances pour qu’elle en refasse une autre sont très, très élevées. Le défi, c’est de l’attirer pour la première fois.

OJQ : Investir dans un nouveau client, c’est donc du placement à long terme?

SB : Effectivement! Dans cette industrie, il est connu qu’un passager-client risque fortement de rester fidèle à la première compagnie de croisière avec laquelle il a voyagé dans sa vie. Ça s’explique entre autres par les stratégies développées par les compagnies de croisière en ce sens, dont celle qui vise à entretenir des liens, des communications avec le nouveau client, en lui envoyant par exemple des promotions.

OJQ : Sachant qu’en cours de vie, les intérêts d’un voyageur changent, est-ce qu’une même compagnie de croisière peut prétendre pouvoir assouvir les intérêts changeants d’un même client sur un long terme ?

SB : C’est une bonne question. C’est tout à fait possible. Notamment parce que les produits de luxe sont plus accessibles aujourd’hui qu’avant. Les paquebots ont différents types de cabines, alors ils savent que le consommateur peut faire évoluer son choix de cabines au cours de l’évolution de ses intérêts et besoins.

OJQ : Comment expliquez-vous qu’une personne qui essaye une croisière a autant la piqure?

SB : Les choix à bord. Choix de restaurants, choix de divertissements, d’activités. La qualité des spectacles, avec des noms comme le Cirque du Soleil.

Je fais un parallèle entre les croisières et Las Vegas. Cette ville est très populaire, oui pour les casinos qui l’ont vu naître, mais beaucoup pour tout ce qu’on peut y faire d’autre que jouer au casino : s’amuser, se distraire, découvrir, etc.

Open Jaw Québec : Le marché de la croisière a tellement de succès qu’on a l’impression que tout le monde fait des croisières…

Stéphanie Bishop : Les chiffres sont gros, mais en fait, il y a une très petite portion de gens qui a fait une croisière dans sa vie.

OJQ : Y a-t-il selon vous un profil de voyageur à qui la croisière réussit vraiment bien?

SB : Les familles multi-générations. Des petits enfants aux grands-parents, tout le monde trouve son compte. Garderies, espaces détente, spectacles, etc. Les paquebots offrent tellement de choix pour tout le monde.

Il n’y a pas une seule vacance sur la planète qui s’adresse à tout le monde. Mais les croisières réussissent à plaire et divertir plusieurs types différents de personne en même temps.

OJQ : En parlant des clientèles, retrouve-t-on un aspect particulier à bord des paquebots à leur égard?

SB : Plusieurs profils différents de voyageurs se côtoient sur un même navire. Cela s’explique par le nombre élevé de catégories de cabines.

OJQ : Pourquoi, d’ailleurs, retrouve-t-on autant de catégories différentes de cabines sur un même navire?

SB : Ce n’est pas pour compliquer les ventes!, mais bien pour répondre à un plus grand nombre de clients.

Il arrive même que des compagnies créent une nouvelle catégorie de cabines quand il y a des cabines invendues…

OJQ : ?…

SB : Car si une compagnie lance une nouvelle promotion pour stimuler les réservations des cabines invendues, elle voudra éviter de justifier une baisse de tarif à un client qui a déjà réservé et payé sa cabine. Alors elle crée une autre catégorie de cabine.

OJQ : C’est donc très stratégique? Et pas tant parce que les cabines sont si différentes les unes des autres?

SB : Effectivement.

OJQ : Faisons appel à votre mémoire : au cours des 40 dernières années, y a-t-il eu de grands bouleversements dans l’histoire de la croisière? Qui ont modifié le cours de cette industrie?

SB : L’arrivée des technologies, qui font en sorte que tout est plus facile, même la vie à bord. Un exemple, sur certains paquebots, les passagers portent une montre avec laquelle ils font leurs achats et ouvrent la porte de leur cabine.

Aussi, autrefois, les passagers faisaient tous la même chose à la même heure. Aujourd’hui, le concept de flexibilité est intégré à tout ce qui se passe à bord. La ligne de croisière ne dicte plus aux passagers ce qu’ils font, comme c’était avant. À commencer par les heures des repas.

Le vaste choix offert est aussi quelque chose qui a beaucoup changé. Il y en a pour tous les goûts. Les salles à manger se sont multipliées sur un même navire. Jusqu’à 14 restaurants parfois. Le consommateur veut du choix et veut choisir lui-même. Les compagnies de croisière se sont adaptées à ça.

OJQ : Quoi d’autre?

SB : Les lignes de croisière ont appris comment gérer les foules de passagers. Elles ont su qu’en offrant des choix de restaurants et divertissements par exemple, elles allaient disperser la foule à bord. Même les ascenseurs sont programmés pour gérer le volume des passagers en attente !

Et le travail est continuel. Chaque nouveau navire qui arrive sur le marché présente une version améliorée.

OJQ : En matière d’évolution et nouveautés, y a-t-il eu des flops? Un concept qui n’a pas fonctionné?

SB : À différents moments, les compagnies ont réalisé que telle nouveauté ne fonctionnait peut-être pas aussi bien, mais que le concept, lui, était bon. Et elles ont poursuivi leur amélioration.

Par ailleurs, je me souviens du lancement du concept Flex Dining, où le passager peut manger à l’heure qu’il souhaite. À l’époque, toutes les autres compagnies ont dit «ça ne fonctionnera jamais!». Et finalement, une autre compagnie avait commencé à faire la même chose l’année suivante, puis une autre et toutes les autres…

Article précédentVendre des croisières : les 6 pièges à éviter selon Stéphanie Bishop
Prochain articleNouveaux vols directs entre Toronto et la Martinique avec Air Canada
Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.