Sam Char en mode retraite : si vous saviez de quoi il a le plus envie…

Dans 2 dodos, il va retirer ses photos de taekwondo du bureau et sa punaise piquée sur Bagotville de la carte des régions du Québec où faire décoller un gros avion vers des bouts du monde.

Sam Char, par qui le sourire a été inventé… Photo: Isabelle Chagnon

Dans 2 dodos, notre industrie dira au revoir à un visage qui a inventé le sourire et à une personnalité dont l’enthousiasme a toujours été inépuisable, peu importe ce qu’il avait de weird à nous annoncer, au cours des 40 dernières années.

Dans 2 dodos, je cesserai de recevoir sur mon iPhone le flash du jour qu’il a trouvé et qu’il envoie par texto à ses contacts du moment.

L’actuel vp exécutif de Vacances Sunwing ne le sera plus ce vendredi. Ce jour qui approche, Sam Char poussera les portes de notre industrie pour la dernière fois.

La seule consolation que nous avons, c’est que son départ n’effacera jamais ce dont il est le responsable :

avoir contribué à rendre possibles des rêves de voyage pour des centaines de milliers de voyageurs québécois…

être à l’origine de concepts jugés d’emblée saugrenus par plusieurs mais qui ont, en bout de ligne, fait mentir les sceptiques…

incarner le dénominateur commun à des soirées événements qu’on savait d’avance, parce qu’il allait être là, qu’on allait bien rigoler…

Avant que Sam commence la suite de sa vie en mode retraite, Open Jaw Québec lui a installé le fauteuil de la dernière entrevue. Attachez votre ceinture, et soyez prêts, non pas pour un atterrissage, mais bien pour un autre décollage…

Open Jaw Québec : Sam, pourquoi tu nous fais ce coup-là? de partir à la retraite?

Sam Char : (rire) pour me retirer du « day to day ».

Open Jaw Québec : comment résumerais-tu l’industrie dans laquelle tu as travaillé toute ta vie?

Sam Char : c’est une industrie incroyable, hyper résiliente. Elle est la seule à être tributaire d’une douzaine de facteurs qui ont le pouvoir de la détraquer complètement, comme le prix du pétrole, le taux de chômage, taux d’intérêt, bouleversements politiques, tremblement de terre, etc. Et quand ça arrive, et bien notre industrie doit tout transporter autre part : ses voyageurs, les hébergements, les vols, tout!

Aussi, c’est une industrie incroyable car les gens n’ont pas idée du nombre de personnes, d’entités et de départements qui travaillent pour qu’un seul vol décolle : la sécurité, les réservations, le service client et conseil, la manutention, etc. C’est extraordinaire quand on y pense! Il n’y a pas beaucoup d’industries dans le monde où autant d’entités sont impliquées dans un seul et même objectif. Le voyage, c’est remarquable!

OJQ : profitons du fait que tu es parmi nous depuis si longtemps, et dis-nous quelle est selon toi la rumeur qui a été la plus persistante au fil du temps mais qui ne s’est jamais concrétisée?

Sam Char : ça fait 30 ans qu’on entend des avis, analyses et prédictions à l’effet que les agents de voyage vont disparaître. Et après des attentats, l’arrivée d’Internet, les récessions, une pandémie, ils sont toujours là. Et ils ont toujours un rôle à jouer.

Oui, plusieurs voyageurs réservent leur voyage par eux-mêmes, mais n’empêche que le rôle de l’agent de voyage, il est encore important, car le voyage fait partie de l’ADN des gens maintenant.

L’agent de voyage doit par contre s’adapter aux changements, aux nouvelles technologies, à l’Intelligence Artificielle, des tonnes de choses. S’il ne s’adapte pas, ce sera beaucoup plus difficile. Mais j’insiste : il y a encore un bel avenir pour le métier d’agent de voyage.

OJQ : quel est selon toi ton meilleur coup en carrière?

Sam Char : d’avoir insisté pour que Vacances Sunwing, dès son lancement, ne soit jamais un grossiste comme les autres. Et ça s’est confirmé quand on a lancé des vols de Bagotville.

Je me souviendrai toujours de cette première réunion que j’ai convoquée à Bagotville, avec le maire de la ville, le directeur de l’aéroport et tout et tout, et quand je leur ai annoncé « on va opérer un gros porteur de chez vous, et on va faire voyager le monde de chez vous vers des destinations à l’international! »

Pendant deux minutes, il y a eu un silence de mort, si bien que je me suis demandé s’ils avaient compris ce que je venais de leur dire! Je me suis dit « ils vont appeler le 911 et me traiter de malade! » (rire!)

Puis, la suite, ce jour où le premier vol a décollé de Bagotville, et que les gens pleuraient de joie…

Depuis ce jour-là, Sunwing a été le seul transporteur international au Québec à opérer de cinq aéroports régionaux. Tout le monde disait qu’on allait se planter! On a finalement opéré jusqu’à 6 vols par semaine de Bagotville, et cet hiver, on en aura 4.

C’est pas mal, je pense, comme bon coup en carrière!

Open Jaw Québec : quel est ton souhait pour notre industrie que tu t’apprêtes à quitter?

Sam Char : qu’elle s’adapte aux changements rapides et aux nouvelles technologies, et que chaque joueur sache contrôler ses dépenses! Car dans notre industrie parfois, on ne sait pas trop contrôler les dépenses!

Je souhaite aussi à l’industrie du voyage qu’elle ait du fun. Nous vendons l’une des plus belles choses de la vie : des voyages. Alors ayez du fun à le faire!

OJQ : quel est le souvenir que tu veux qu’on garde de toi?

Sam Char : que j’ai toujours pris soin de mettre tout le monde, tous mes collègues, tous les employés, sur un pied égalitaire.

Et que j’ai toujours défendu le travail d’équipe. Sans le travail d’équipe, on ne peut rien faire. On a besoin d’une équipe qui adhère à des valeurs, humaines avant tout, pour pouvoir créer des choses dans le milieu des affaires.

Et je crois que, dans ce domaine, j’ai bien réussi. Parce qu’en ce moment, mes collègues viennent me voir, et pleurent parce que je m’en vais. Oh là là! Moi aussi j’ai la larme à l’œil!! Vite la retraite, j’en peux plus! (rire)

OJQ : que signifie « la retraite » pour toi?

Sam Char : jusqu’à tout récemment, absolument rien! Je savais pas ce que ça voulait dire, alors j’ai fait des petites recherches. Et j’ai trouvé les synonymes du mot « retraite » : débâcle, débandade, décrochage, évacuation, fuite, recule, reflux, repli, retrait, marche que fait une armée pour fuir un ennemi ou pour abandonner une bataille…!! Je vais travailler là-dessus! (rire!)

Et j’ai trouvé ceci aussi dans mes recherches sur la retraite : « le statut de retraité donne droit à des tarifs réduits pour de nombreuses activités telles que transport en commun, musées et cinémas »… Oh My God je suis rendu là!!! (rire!)

Open Jaw Québec : et que vas-tu faire, une fois officiellement à la retraite?

Sam Char : je vais continuer dans l’immobilier. Car je ne peux pas complètement arrêter de travailler.

Mais aussi et surtout, la première chose que je vais faire, le 1er juin, je ne vais pas me raser! Aaaah!, que ça va faire du bien!! (rire)

Le plaisir de la retraite, pour moi, ce sera d’aller à mon IGA du coin à 10 ou 11h le matin ou 4 h de l’après-midi… Être libre, et surtout, prendre soin de la santé. Car notre temps, un jour, va expirer.

En conclusion, je vais également prendre soin de quelqu’un qui m’a toujours supporté : mon épouse. Car tu sais Isabelle, quand on hypothèque deux fois sa maison pour lancer un projet de travail durant une carrière, c’est pas facile pour les membres intimes de la famille…

Ciao et merci merci, Sam Char…

Isabelle

Mayday – Mayday!!!

La carrière de Sam Char en bref, si on peut être « bref »…

-milieu des années 70 : sans savoir dans quoi elle s’embarque, l’industrie du voyage fait connaissance avec un dénommé  Sam Char. C’est Air Canada qui le laisse rentrer… La compagnie aérienne lui offre un poste d’agent passagers. C’est aussi Air Canada qui abdique la première et accepte que l’individu instaure sa première idée « saugrenue » : l’aménagement d’un gym pour les employés

– années 80 et 90 : notre individu fait de belles folies avec Bruxelles chez Nationair puis décide de faire voir à notre industrie un peu plus de quel bois il se chauffe, en créant Vacances Air Pax, en 1992 (qu’il vendra plus tard à Canada 3000)

-avril 2006 : après une escale chez Vacances Signature comme directeur des ventes, cette fois-ci, c’est la famille Hunter qui ne sait pas dans quoi elle s’embarque en signant un contrat avec Sam Char pour le lancement de Vacances Sunwing Québec

-avril 2006 : les fondateurs de Vacances Sunwing, Colin et Stephen Hunter, subissent un choc traumatique : l’individu avec qui ils ont signé un contrat au Québec leur parle d’une Ville qui sert de la Bagot dans les profondeurs inconnues de la Belle Province; « on va mettre un grrrros avion là-dessus! » lance sérieusement Sam Char

Photo: Xavi Cabrera/Unsplash

-avril 2006 : c’est officiel : avec le projet Bagotville, Sam Char est perçu comme un individu douteux par les élus de cette ville, et le monde de l’aviation se roule par terre

-décembre 2006 : l’homme ne lâche pas le morceau : non seulement Sam Char est-il en train de démarrer un Vacances Sunwing au Québec qui va rapporter gros, mais il se tient debout, là dans le terminal de l’aéroport de Bagotville, le 18 de ce mois, pour assister au décollage de Sunwing Airlines vers Holguin. C’est au tour de Sam de se rouler par terre : ce vol inaugural est rempli à pleine capacité…

-décembre 2007 : au tour des élus de Val d’Or de goûter à la sauce Char : Sam fait à nouveau mentir les sceptiques et tape dans le dos d’un gros avion Sunwing qui décolle de la ville de l’Abitibi pour s’en aller à Varadero

-décembre 2007 : c’est officiel : toutes les villes du Québec qui ont un aéroport sont sur le qui-vive, et se demandent si le téléphone va sonner avec Vacances Sunwing sur l’afficheur…

-février 2008 : Sept-Îles abdique et voit Sunwing Airlines embarquer ses citoyens pour s’envoler vers Varadero

Photo: krakenimages/Unsplash

-décembre 2012 : Mont Joli n’en revient juste pas : elle aussi, elle a craqué, accepté la proposition d’un comique extravagant de Sam Char et assiste, bouche bée, au décollage d’un gros avion en route pour Punta Cana

-janvier 2010 : sans savoir dans quoi elle s’embarque, c’est au tour de l’industrie immobilière de faire connaissance avec le dénommé  Sam Char, qui se porte acquéreur, avec Colin Hunter, d’un immeuble sur Côte de Liesse, près de YUL, pour y installer les bureaux de Sunwing

– novembre 2019 : sans savoir non plus dans quoi il s’embarque, le département de l’urbanisme de la ville de Laval assiste à l’achat d’un terrain par Sam Char. Objectif : construire encore plus de bureaux pour tous les projets originaux de Sunwing. Une consolation pour Laval : Colin Hunter est aussi acquéreur; ayant entendu des histoires bizarres sur Sam Char, le terrain n’étant pas uniquement acheté par l’individu, Laval peut dormir tranquille…

-1er juin 2024 : sans savoir dans quoi ON s’embarque, notre industrie du voyage amorcera une nouvelle ère, celle où Sam Char, ouais, lui manquera….

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.