Pourquoi les billets d’avion coûtent 20 % plus cher?

Un billet d’avion qui coûtait 1000 $ à l’été 2019, coûte 1 200$ aujourd’hui.

Parce que le gouvernement canadien n’a pas suffisamment soutenu financièrement, comme il aurait dû, les compagnies aériennes de son pays pour qu’elles traversent mieux la pandémie, on paye aujourd’hui 20 % plus cher les billets d’avion.

Photo: Clay Banks/Unsplash

C’est l’une des raisons qui expliquent la hausse des prix, selon Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile, qui dressait le portrait de la situation en entrevue ce matin à la radio de Radio-Canada.

Donc, on serait « dedans ». Dans l’épisode « conséquence des actes du passé ».

Cette raison n’arrive pas toute seule. Elle arrive avec d’autres.

Toujours selon cet observateur, cette autre raison explique pourquoi les voyageurs payent plus cher : la demande est encore plus forte que l’offre. Ici, c’est pas sorcier à comprendre : n’importe quelle entreprise à but lucratif vend plus cher son produit qui est en forte demande.

Mais comment explique-t-on qu’on soit encore là? En juillet 2024?

« Durant la pandémie, plusieurs compagnies dans le monde et ici au Canada se sont départies de leurs avions et d’une partie de leur personnel, faute de soutien financier pour attendre que la crise passe. Aujourd’hui, ces compagnies voudraient bien répondre à la demande forte, mais elles ne peuvent pas parce qu’elles manquent d’avions, de pilotes, de travailleurs de la maintenance, etc. »

Résumons le cocktail: capacité réduite, augmentation de la demande.

« L’absence d’aide, au bon moment, a des conséquences aujourd’hui » estime Mehran Ebrahimi.

Monsieur Ebrahimi poursuit : « L’Allemagne et la France, par exemple, sont dans un meilleur état que le Canada aujourd’hui. Car leur gouvernement respectif a soutenu bien davantage leurs compagnies aériennes, mais aussi leurs aéroports, durant la pandémie, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards. À ce chapitre, le Canada a un bilan pas très reluisant. »

Les carnets de commande d’avions pour témoins

« D’ailleurs, quand on regarde comment les compagnies aériennes commandent des avions, en ce moment, et les gros carnets de commandes des fabricants d’avion, on se rend compte des perspectives de la demande.

D’ici 2030, on prédit qu’il y aura 9 milliards de voyages par année. Vous imaginez? On est vraiment sur une pente ascendante. »

Les voyageurs intérieurs changent aussi la donne

Cela dit, est-ce uniquement chez nous, au Canada, qu’on paye plus cher?

C’est généralisé, c’est mondial, explique l’observateur. Mais il y a un autre phénomène qui explique la course aux avions et aux pilotes, donc le tempo actuel : la croissance fulgurante des voyages intérieurs.

« Prenons la Chine en exemple. En ce moment, la Chine cherche à engager de 180 à 200 pilotes de plus par semaine. La croissance y est très élevée. Elle s’explique notamment par la reprise et surtout la croissance des voyages intérieurs en Chine. D’ici 2030, le nombre de voyages intérieurs en Chine va dépasser celui des voyages intérieurs aux États-Unis, pays qui a toujours été le premier dans ce domaine. »

Dans le chapitre des vols intérieurs, le Canada n’est pas non plus dans une posture enviable. Pourquoi?

« Parce que la notion de concurrence n’existe pas, comme elle existe aux États-Unis et en Europe », poursuit M. Ebrahimi.

« Dans ces régions du monde et aussi en Asie, les compagnies dites low cost sont très nombreuses. Elles font de la concurrence sur des trajets rentables. Ici au Canada, on n’arrive pas à avoir cette concurrence. Lynx a disparu, Flair est en difficulté. On est dans une situation où, essentiellement, deux compagnies dominent le Canada : WestJet dans l’ouest, Air Canada dans le centre et l’est du Canada. »

Pourquoi avons-nous du mal à maintenir des compagnies low cost en vie?

« Le taux de population d’abord, plus faible au Canada qu’ailleurs. Une densité de population provoque la demande pour les vols intérieurs. Comme cette densité est faible au Canada, cette demande est faible. »

Les coûts que les vols intérieurs impliquent ne sont pas non plus les mêmes au Canada, pour cette raison : « les distances que les avions doivent parcourir, au Canada, sont très, très grandes ».

La concurrence, impossible au Canada?

Restons dans le sujet de la concurrence, qui a indéniablement un impact sur les prix des billets d’avion. « Au Canada, quand un concurrent apparait, les deux compagnies dominantes – WestJet et Air Canada – ont la capacité de réduire leurs tarifs sur des trajets rentables. Parce qu’elles ont les reins plus solides : Air Canada a des revenus intéressants grâce à ses vols internationaux, WestJet compte sur le soutien financier du Fonds d’investissement d’Onex de Monsieur Schwartz.

Ainsi, un nouveau concurrent n’a pas l’occasion de vivre assez longtemps pour prendre des racines. »

Monsieur Ebrahimi poursuit : « quand on regarde l’histoire des 20 dernières années, il y a eu plusieurs tentatives. Et l’histoire l’a démontré : on ne peut pas faire face à la concurrence.

Les seules compagnies qui résistent, ce sont Porter et Transat. Mais l’absence de concurrence est là. »

L’absence de concurrence s’explique également par ceci, selon l’observateur :

« Les réglementations canadiennes compliquent aussi les choses. Les compagnies étrangères ne peuvent pas s’installer au Canada, dans la mesure où elles ne peuvent pas avoir plus de 49%  des parts d’une compagnie aérienne. Donc, ça ne les intéresse pas. »

Mais n’est-ce pas là une bonne chose, dans un certain sens?

Précisons le sujet ici : Ottawa impose des restrictions concernant la propriété étrangère, la limitant à 49 %. Les transporteurs aériens canadiens, y compris tous les services de fret, bénéficient de cet apport de capitaux de placement. Le gouvernement du Canada avait annoncé hausser ce taux en 2017, le passant de 25 à 49 %. Il avait reconnu que ces mesures allaient aviver la concurrence dans le secteur aérien du Canada et offrir aux Canadiens une gamme plus abondante de choix.

Si vous souhaitez entendre l’entrevue diffusée ce matin, dans sa totalité, c’est par ici.

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Isabelle Chagnon
Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.