Tous les travailleurs de notre industrie du voyage ont des factures à payer, mais faut-il pour autant aller jusqu’à mépriser les produits du voyage qui ne rapportent pas un montant substantiel d’argent en vente et commission?

Jeudi dernier, je me suis retrouvée à une table, où étaient réunis de nombreux représentants de l’industrie du voyage. La conversation parlait croisière et voilà que j’ai entendu ceci :
« Les produits voyage qui rapportent peu d’argent, ce sont des déchets! »
Le propriétaire de ces mots, appelons-le Monsieur E, occupe un poste clé dans le département croisière d’une grande agence de voyage au Québec.
Je répète plus précisément encore ce que j’ai entendu de la bouche de Monsieur E, dont le logo de l’agence était bien brodé en évidence sur sa veste :
« Les croisières, forfaits, bref les produits du voyage qui nous rapportent peu d’argent, c’est du garbage! »
QUOI?
Notre industrie du voyage est-elle rendue là?
La discussion a poursuivi son élan et voilà que Monsieur E a signifié à tous que « les croisières, c’est toutes des compagnies américaines ». À quoi j’ai listé quelques noms non américains pour alimenter la discussion:
« …et CroisiEurope? »
La réaction de Monsieur E : il a simulé l’acte de vomir…
Encore secouée par ce que j’ai entendu et vu, je me questionne : est-ce là une mentalité d’actualité dans notre industrie du voyage?
Et tant pis pour les jeunes!
La suite de la conversation allait me réserver deux autres surprises.
Alors que j’invitais mes voisins de table à bifurquer un peu vers le sujet des hausses importantes des prix des voyages, partageant mon inquiétude pour les plus jeunes générations qui n’ont généralement pas des budgets sans limite pour voyager, voici ce qu’un chef de projet (c’est son titre professionnel) d’une agence de voyage de Montréal m’a répondu:
« Quand un jeune se présente à mon agence et qu’il veut acheter des billets d’avion, comme on fait peu d’argent avec ça, je leur dis d’aller acheter leurs vols sur Internet. De toute façon, ils sont habitués d’acheter sur Internet… »
QUOI??
Mais, mais où est donc passé notre rôle de conseiller? N’avions pas mis en place des alternatives, par exemple des frais de dossier, pour justement continuer d’offrir un service dans la vente de produits moins rémunérateurs qu’avant?
Mon désarroi se lisant dans mon regard, voilà qu’une représentante d’un très important grossiste en voyage dans notre industrie au Québec, assise en face de moi, appelons-la Madame T, me regarde et me répond ceci :
« Les jeunes ont juste à attendre une couple d’années avant de voyager, le temps que les prix baissent. »
QUOI?????
Notre industrie est-elle vraiment rendue là?
Avons-nous parcouru toutes ces décennies, peaufiné toute notre expertise, webinairé tous les ateliers, zoomé toutes nos belles paroles de bâtisseurs de rêve pour la clientèle… pour en arriver aujourd’hui à penser et réagir ainsi dans notre industrie?
Nous nous sommes trompés…
Ces affirmations m’amènent à cette question : nous sommes-nous trompés?
Tout le travail des dernières années, à vouloir absolument rebaptiser les « agents de voyage » en « conseillers », parce que parait-il ça fait plus joli, ça fait plus professionnel, nous sommes-nous réellement trompés?
Fallait-il aller dans l’autre direction et officialiser plutôt le gentilé « vendeurs de voyage comme dans vendeurs de chars »?
Si je dois taire l’identité des auteurs de ces affirmations – non pas pour les protéger eux, mais pour me protéger moi – le vertige que j’ai ressenti jeudi dernier m’inquiète et m’incite d’urgence à implorer une grande réflexion.
Car finalement, effectivement, tout ça donne la nausée.