Aller ou non en Chine par les temps qui courent?

Martine Côté, Maryse Martel et Normand Godin

La Chine a fait couler beaucoup d’encre, ces derniers mois. Tout a commencé avec l’arrestation à Vancouver d’une femme d’affaires chinoise le 1er décembre dernier. Depuis, des Canadiens ont été arrêtés, détenus et même condamné à mort dans un cas par la justice chinoise. Compte tenu de l’actualité peu reluisante à l’endroit de cette destination phare de l’Asie, comment l’industrie du voyage a-t-elle réagi?

Recommandation officielle

D’abord, rappelons que le ministère des Affaires mondiales Canada a émis l’avis officiel suivant, le 14 janvier – toujours valide à ce jour –: Faites preuve d’une grande prudence en Chine en raison du risque d’application arbitraire des lois locales. On y mentionne la peine de mort et les peines pour infractions liées aux drogues.

Le gouvernement n’a pas émis un des deux avis qui ferait en sorte que les ressortissants canadiens pourraient entièrement annuler leur voyage en Chine, soit «Éviter tout voyage non-essentiel» ou «Éviter tout voyage». Les clients ne peuvent donc pas exiger de se faire rembourser au complet s’ils décident de ne plus partir. Le risque n’est pas considéré assez important pour faire valoir leur volte-face.

Vraie préoccupation: le visa!

Normand Godin, propriétaire de l’agence Cité du voyage à Laval

À la lueur de la situation actuelle, entre des arrestations et jugements arbitraires qui pourraient faire peur à la population canadienne et l’appel à la prudence d’Affaires mondiales Canada sans toutefois conseiller aux voyageurs de ne pas se rendre en Chine, il y a une troisième réalité, bien plus concrète: l’obtention du visa se complique! «Le gouvernement chinois demande maintenant les empreintes digitales pour émettre le visa aux touristes, s’insurge Normand Godin, propriétaire de l’agence Cité du voyage à Laval. Je ne peux pas emprunter les mains de mes clients pour aller faire leur visa! Avant, ils n’avaient qu’à me remettre leur passeport et on s’occupait de tout.»

Martine Côté, Martine Côté, fondatrice de Rêvatours, qui accompagne des groupes en Chine depuis 2011

Les gens vont devoir aller au Centre des visas du consulat de Chine au centre-ville de Montréal. Pas évident quand on habite en région, par exemple à Roberval, soutient Martine Côté, fondatrice de Rêvatours, qui accompagne des groupes en Chine depuis 2011. «C’est une énorme contrainte pour la clientèle hors Montréal. Je ne sais même pas si on doit y aller deux fois, pour porter la demande et faire les empreintes digitales, puis retourner chercher le passeport.» Après vérification avec le centre des visas, nous avons su qu’un seul déplacement est exigé (voir encadré plus bas).

«C’est décourageant, confie-t-elle. Après la faillite de Sinorama, ça nous a donné un coup de pouce, mais les nouvelles politiques d’obtention du visa a ralenti la demande. Normalement on a deux voyages, en mai et en septembre. Si le gouvernement change son avis pour un degré de risque plus élevé, recommandant d’éviter tout voyage en Chine, on va devoir rembourser entièrement les voyageurs qui voudront annuler.» Pour l’instant, tant que l’avis conseille d’être prudent seulement, les clients décidant de ne plus partir perdraient leur dépôt de réservation. «Ce montant varie selon les grossistes, mais chez nous, il s’élève à 850 $», précise Mme Côté.

Business as usual

Maryse Martel, vice-présidente développement des affaires de Groupe Voyages Québec (GVQ).

Maryse Martel, vice-présidente développement des affaires de Groupe Voyages Québec (GVQ), soutient que les affaires roulent comme d’habitude, pour les voyages en Chine. «J’ai eu des réservations la semaine dernière et même au début de cette semaine, déclare-t-elle. Oui, on a encore des demandes et nos deux voyages au printemps et à l’automne sont tous planifiés et confirmés. Toutefois, c’est sûr qu’il y a moins d’appels. La situation a dû semer un certain doute, mais on monitore tout ça de très près et on parle régulièrement avec notre fournisseur à destination. C’est une situation hautement politique qui n’a rien à voir avec le tourisme. Le gouvernement canadien a émis un avis de prudence et non d’annulation [«Éviter tout voyage»], comme pour d’autres pays, par exemple le Mexique, et les gens ne s’empêchent pas d’y aller. Si le niveau de risque devenait dangereux, les clients seraient remboursés, ou bien on leur offrirait une destination de rechange, en Asie ou ailleurs.»

Mme Martel admet que la nécessité de fournir ses empreintes digitales sur place, au centre des visas à Montréal, affectera davantage le choix ou non d’aller en Chine. «Les clients en région vont probablement s’informer de nos autres destinations et changer de pays», pense-t-elle.

Autres réactions

Le voyagiste Tour Est (Tour East Holidays) a annoncé de son côté accepter de rembourser les dépôts (ou de les reporter pour un voyage ultérieur) à toute personne qui ne se sentirait pas en sécurité d’aller en Chine, mais seulement la portion terrestre, pas les vols.

Destination Canada, l’agence gouvernementale faisant la promotion touristique de notre pays à l’étranger, avait interrompu sa campagne publicitaire en Chine à la mi-décembre. Elle vient de la relancer, puisque selon un sondage les Chinois ne sont pas influencés par la situation politique qui prévaut entre leur pays et le nôtre. Les visiteurs provenant de la Chine représentent un marché très lucratif et en croissance pour le Canada.

Visa touristique pour la Chine

L’avis sur les nouvelles exigences d’obtention du visa et l’avis sur la collecte des empreintes digitales des demandeurs de visa par l’Ambassade et les Consulats de Chine au Canada précisent comment procéder avec cette nouvelle mesure en vigueur depuis le 1er janvier 2019. Il faut se rendre sur place au Centre de demande des visas chinois pour remettre le formulaire de demande et faire prendre ses empreintes digitales au 2000, rue Mansfield, bureau 700, Montréal. Tél.: 514 680-8472, du lundi au vendredi de 9 h à 16 h.

«Au moment de déposer votre formulaire, vous pouvez laisser une enveloppe préadressée et préaffranchie pour qu’on vous poste votre passeport, indique la représentante consulaire jointe au téléphone. Ce peut être une enveloppe avec des timbres pour la poste régulière, ou une enveloppe prépayée de UPS. À partir du moment où vous êtes passé au bureau des visas, comptez quatre jours ouvrables pour qu’on vous retourne vos documents.» Notez que les personnes âgées de moins de 14 ans ou de plus de 70 ans sont exemptées de fournir leurs empreintes digitales.

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Journaliste spécialisée dans le domaine des loisirs, en particulier du plein air et des voyages depuis 1991, Anne Marie a étudié en gestion et intervention touristiques à Université du Québec à Montréal et en études françaises à l’Université de Montréal. Elle collabore à plusieurs revues, journaux et sites Internet, dont Reflets, Rando-Québec, Camping Caravaning, Canoë Voyages, VIFA de l’organisme Québec en forme… Bien au fait de l’actualité de l’industrie du voyage au Québec, elle a travaillé à Tourisme Plus pendant plus de 20 ans.