Canal de Panama : les croisières, bientôt la fin ?

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Au Panama, la question qui tue en ce moment est la suivante : l’eau, doit-elle charrier des bateaux dans un canal?, ou doit-elle abreuver la population locale?

Au Panama, on est rendus là.

Ces temps-ci, des gros cargos maritimes qui transportent des marchandises se voient retirer leur droit de passage dans le canal de Panama parce que le niveau de l’eau n’est plus assez élevé. Un coup de pagaie pourrait-il écarter les bateaux qui transportent de « simples » touristes?

« Sans une profondeur d’eau suffisante, les navires risquent de toucher le fond ou de s’échouer » rapportait la plateforme Riviera Maritime en septembre 2020 dans un article intitulé Les niveaux d’eau du canal de Panama suscitent des inquiétudes à long terme.

Changements climatiques en cause

Le niveau de l’eau du canal baisse, et de plus en plus. À cause des changements climatiques. Les pluies ne sont plus assez abondantes pour nourrir en eau les lacs avoisinants qui, à leur tour, nourrissent le canal.

« Deux lacs artificiels, celui d’Alhajuela et le lac Gatun, fournissent le canal en eau, nécessaire au fonctionnement des écluses du canal de Panama. Mais leur niveau a drastiquement baissé en raison de la sécheresse qui frappe le bassin hydrographique » publiait, le 26 avril dernier, la plateforme Actu Transport Logistique dans un article intitulé La sécheresse menace le trafic dans le canal de Panama.

« « L’absence de pluies impacte d’abord nos réserves d’eau« , explique Erick Cordoba, le directeur en charge de l’eau à l’Autorité du Canal de Panama. En conséquence, les navires de classe Neopanamax – les plus grands, avec un tirant d’eau d’un peu plus de 15 mètres en eau douce, ne peuvent plus passer, ajoute-t-il. »

Les changements climatiques n’ont pas comme unique conséquence une diminution des pluies :

« Le lac Gatun, qui alimente la voie navigable et fournit l’eau potable locale, perd également du volume par évaporation, sa température ayant augmenté de 1,5° Celsius au cours de la dernière décennie » rapportait le média allemand Deutsche Welle, en décembre 2019, dans un article intitulé Le canal de Panama est confronté à des pénuries d’eau.

Plus concrètement, la sécheresse, elle se présente comment dans le canal? « Tous les voyants sont passés au rouge pour la première fois en 2019 : le canal ne disposait plus que de trois milliards de mètres cubes d’eau douce alors qu’il lui en faut un peu plus de 5,2 milliards pour fonctionner » rapporte la plateforme Actu Transport Logistique.

Mais pourquoi cette question?

Mais pourquoi donc le Panama se pose-t-il la question? Celle à savoir si l’eau doit servir à charrier des bateaux ou à abreuver sa population?

C’est que l’eau douce du canal est déversée dans la mer : « à chaque passage de navire, ce sont ainsi environ 200 millions de litres d’eau douce qui sont déversés dans la mer, » alertent les observateurs, eau douce qui provient des lacs.

C’est beaucoup… et inquiétant quand on a soif.

Les changements climatiques, pas les seuls responsables

Les projets des investisseurs sont également inscrits dans la colonne des responsables de la baisse du niveau de l’eau du canal.

En 2016, tout le monde était content de dévoiler la fin de gros travaux d’agrandissement du canal. On nous annonçait que « le nouveau canal permettra de doubler la capacité de la voie d’eau et de tripler le tonnage en transit » publiait Radio-Canada, en juin 2016, dans un article intitulé Le nouveau canal de Panama est prêt à recevoir les navires géants.

Mais à peine trois ans plus tard, « le président Laurentino Cortizo a hissé un drapeau panaméen géant devant le siège du canal, alors que ses opérateurs s’interrogent sur les faibles niveaux d’eau – aggravés par son expansion en 2016 » soulevait-on en décembre 2019.

« L’expansion du canal comprenait des lacs d’équilibre et d’autres structures pour maintenir les niveaux d’eau, mais les récentes sécheresses et les changements climatiques mondiaux semblent avoir raison de ces installations » annonçaient les observateurs, en septembre 2020, que 4 ans après le dévoilement des nouvelles installations.

Et les croisières dans tout ça?

Nos recherches dans l’industrie des croisières d’agrément n’ont abouti à aucun indice détecté sur le sujet. Aucune discussion ayant pour titre les restrictions de passage aux navires, dans le canal de Panama, ne semble meubler les ordres du jour des croisiéristes.

Mais notre industrie, même si elle représente des paquebots dont le tirant d’eau est inférieur aux mégas cargos à qui on interdit aujourd’hui de transiger par le canal de Panama, pourrait-elle se voir bientôt refuser le passage?

Car tirant d’eau acceptable ou pas, les 200 millions de litres d’eau douce déversés dans la mer, à chaque passage de navire, seront-ils bientôt jugés des gouttes d’eau bonnes à boire de trop?

À suivre.

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Isabelle Chagnon
Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.