Le navire du futur : entrevue avec Mathieu Petiteau, de Ponant

Dossier. « Aujourd’hui, on est arrivé à un stade où on ne peut plus construire des navires comme on le faisait avant. Ce n’est plus possible. On est face à un monde qui va changer de fonctionnement. Les ressources s’épuisent. Les énergies vont devenir rares et chères. Il faut trouver des moyens pour que ce soit moins polluant. »

Mathieu Petiteau, directeur des Nouvelles Constructions et des Recherches & Développement pour la compagnie Ponant. Photo: Isabelle Chagnon

C’est sur ces mots que le directeur des Nouvelles Constructions et des Recherches & Développement pour la compagnie Ponant, Mathieu Petiteau, a accepté l’invitation d’Open Jaw Québec, celle d’un tête-à-tête sur le sujet durable et le navire du futur vus par Ponant.

« Il faut tout inventer »

« Le navire du futur doit être capable d’atteindre un objectif de zéro émission carbone en exploitation, a poursuivi Monsieur Petiteau.

« La problématique, c’était de comprendre quels sont les outils, les équipements, les énergies qu’on va pouvoir utiliser pour inventer le navire de demain. Pour ça, faut être visionnaire. Autrement dit : vous avez une boule de cristal, et dedans, vous devez voir quelles énergies, quel système de propulsion vous allez utiliser. »

Prendre la problématique à l’inverse

Mathieu Petiteau a résumé ainsi la façon dont Ponant aborde la situation dans son projet de 14ème navire : « D’habitude, on conçoit un navire avec telle capacité de passagers, pour aller à tel endroit, pour offrir tel produit. On a pris la problématique à l’inverse : quel navire, aujourd’hui, est-on capable de construire pour qu’il puisse atteindre cet objectif zéro carbone, puis, ensuite, on va voir si on arrive à mettre des cabines passagers à bord. »

Mettre les architectes dans le coup

À d’autres niveaux que celui technologique, l’approche durable selon Ponant, c’est entre autres d’utiliser un acier recyclé dans la construction de sa coque, nous a expliqués le directeur.

Puis d’utiliser des matériaux recyclés ou plus durables ou réparables pour les aménagements à bord : « il ne faut plus envisager de démonter les canapés et tables et les expédier à terre pour qu’ils soient réparés – ce qui crée du transport qui génère du Co2 – mais plutôt cette idée: mettre au défi les architectes d’intérieur de manière à ce qu’ils inventent et dessinent des meubles qu’on soit capable de réparer à bord à partir de pièces et outils. »

Open Jaw Québec : Et les déchets? Font-ils partie de la discussion?

Mathieu Petiteau : Totalement. On veut les traiter à bord, transformer les déchets générés sur le navire en énergie ou en quelque chose de recyclable. L’idée, c’est que tout ce qui est produit à bord ait une valeur. Pour qu’on ne jette plus rien. Tout peut être transformé.

OJQ : Dans ce grand sujet du navire du futur, à la lumière de vos recherches à ce jour, y a-t-il quelque chose qui est impossible?

Mathieu Petiteau : Oui : continuer de faire ce qu’on faisait avant.

OJQ : Le navire Commandant Charcot est largement mis en exemple par Ponant en matière de durabilité et révolution. En quoi est-il si particulier dans le sujet qui nous préoccupe?

Mathieu Petiteau : C’est que ce navire était un projet absolument démesuré de par la complexité de l’innovation qu’on a déployée, en utilisant notamment une nouvelle énergie, qui est le gaz naturel liquéfié. Et ce n’était pas facile à faire car on devait prouver qu’on était capable de le créer ET de l’exploiter.

OJQ : En quoi d’autre le défi était si grand?

Mathieu Petiteau : Concevoir le navire était une chose, mais après, il a fallu s’assurer que la chaîne logistique de production et de transport soit prête en même temps.

OJQ : Dans une toile de fond très négative, celle des catastrophes naturelles actuelles et de l’inquiétude à l’égard du changement climatique, l’avenir est donc très positif de votre point de vue?

Mathieu Petiteau : Quand vous rentrez dans le détail des problématiques environnementales, le premier stade, c’est le déni. Le deuxième, vous êtes abattu. Vous avez le ressenti de l’abattement. C’est la fin du monde. Puis arrive le troisième stade, celui du « allez!, on se retrousse les manches, on y va, on va trouver des solutions! » Et là, on va chercher des gens pour travailler avec nous…

OJQ : Est-ce là qu’entre en scène l’élément partage? Qui semble si important à vos yeux?

Mathieu Petiteau : Tout à fait. Et il faut le faire. Plus on partage notre projet auprès des industriels, équipementiers, chantiers, plus ça suscite l’engouement et l’enthousiasme, et les gens ont envie de participer à cet effort. On ne peut pas y arriver tout seul. Et cet engouement, quand il est partagé, participe à un élan général.

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Isabelle Chagnon
Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.