Affaire « champagne » : pourquoi le juge a approuvé l’entente de Sunwing et rejeté les arguments de l’AAVQ

Photo: www.sunwing.ca/fr/sunwing-airlines/inflight-service

Open Jaw Québec a accédé à la décision de la Cour Supérieure, et scruté à la loupe son contenu, qui explique 1 : pourquoi elle a approuvé l’Entente de Règlement, Transaction et Quittance proposée par Sunwing dans l’affaire du « service au champagne », et 2 : pourquoi elle a rejeté les arguments de l’AAVQ qui a contesté cette entente au tribunal le 31 octobre dernier.

Voici l’essentiel à retenir.

Une entente jugée avantageuse pour la bonne cible

Le 7 février dernier, le juge Lukasz Granosik a rendu sa décision sur la question qu’on lui avait posée : approuver ou non l’Entente proposée par Sunwing, Entente visant les membres du groupe de l’action collective (et non les agents de voyage, NDLR).

Rappel : grosso modo, l’Entente propose un rabais de 7 % aux membres de l’action collective (+ cinq autres personnes par membre), pour vols et forfaits tout inclus de Vacances Sunwing pour une période de trois ans. Les membres doivent s’inscrire sur le site Internet mis sur pied par Sunwing spécifiquement pour exécuter ses obligations découlant de l’Entente.

Réponse du juge :

Les termes de l’Entente sont avantageux, voire très avantageux pour les membres. Le rabais est considérable, l’accès à ce rabais est très simple et les limitations quasi inexistantes.

Mais aussi, le juge juge que :

Les montants en jeu sont manifestement supérieurs à la valeur du litige.

Le juge a rejeté l’argument de l’AAVQ, laquelle a fait valoir la conséquence de l’Entente sur l’ensemble du réseau des agents de voyage (cette conséquence étant que les agents sont privés de vente et de commission) – et non une conséquence sur la cible visée par l’Entente (les membres de l’action collective).

Le poids du nombre

Après reconnaître que les termes de l’Entente sont avantageux pour les membres du groupe de l’action collective, et après juger que Sunwing a monté une défense sérieuse appuyée sur des expertises, le juge prend en compte ceci :

La preuve démontre que le nombre de membres (visés par l’action collective en cause) s’élèverait à 1 441 402.

Et il ajoute :

Il reste le dernier et le plus important facteur en l’occurrence, soit la nature et le nombre d’objections à la transaction. À ce titre, quatre membres sur plus de 1,4 million se sont opposés au règlement, soit une quantité objectivement infinitésimale. Ils se manifestent soit sans motifs, soit en refusant la solution convenue par les parties en préconisant plutôt un dédommagement financier.

Dommages punitifs pour dissuader : un non-lieu

Dans sa décision, le juge a rappelé cet argument de l’AAVQ :

L’Association ajoute que le règlement (dans le cadre de l’Entente) n’atteint pas le but de dissuasion et d’exemplarité et constituerait ainsi un « très mauvais exemple à donner aux commerçants qui songent ou songeraient à enfreindre la Loi sur la protection du consommateur ».

Le juge a répondu que :

Les dommages moraux et punitifs, si d’aventure ils étaient octroyés, seraient aussi plutôt modestes, compte tenu de la nature de la transgression.

Et a ajouté :

L’Association invoque (…) que la dissuasion est un facteur à évaluer dans l’exercice auquel les parties me convient. Or, cet élément, lorsque recherché à travers une sanction civile, relève davantage d’une condamnation à des dommages punitifs que de l’approbation d’une transaction.

Permis d’agent de voyage

À la lecture de la décision du juge, on nous rappelle ce qu’on doit déjà savoir : Sunwing détient aussi un permis d’agent de voyage. C’est donc la détention de ce permis d’agent de voyage, par Sunwing, qui a fait invalider l’argument de la protection des voyageurs soulevé par l’AAVQ durant la séance au tribunal.

L’AAVQ avait plaidé que :

« la clientèle de Sunwing ainsi acquise serait alors dépourvue de conseils des agents de voyages et ne serait pas non plus protégée par le Fonds d’indemnisation des clients de ces derniers. »

Le juge a évoqué que :

  1. Tous les vols et forfaits vacances achetés par les Passagers Admissibles par le biais du site Web dédié seront réservés par l’intermédiaire de Vacances Sunwing Inc. qui détient un permis d’agent de voyage valide émis par l’Office de la protection du consommateur du Québec (permis #702928)
  2. À ce titre, tous les vols et forfaits vacances achetés par les Passagers Admissibles par le biais du site Internet dédié seront couverts par le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages.

Argument non recevable en raison du mandat du juge

À l’égard de ceci que l’AAVQ avait plaidé :

l’Association avance que la transaction ne doit pas être approuvée, car elle avantage indûment Sunwing et ultimement, elle récompense le comportement répréhensible de cette dernière. (…) l’Association plaide que l’Entente confère en réalité un bénéfice pécuniaire pour Sunwing, car elle lui permet d’économiser 1 % de commission grâce au mécanisme de réservation en direct.

Le juge rappelle, dans un premier temps, que son mandat était de :

Essentiellement, afin d’approuver la transaction, je dois pouvoir conclure que celle-ci (l’Entente) s’avère dans l’intérêt général des membres et que les avantages pour eux l’emportent sur les inconvénients

Et, dans un deuxième temps, le juge juge que :

l’intervenante (AAVQ) plaide l’intérêt public, que je ne retrouve pas explicitement mentionné parmi les facteurs et critères pertinents à l’analyse. (…) il s’agit d’une affaire de consommation et de droit privé. Surtout, l’Association s’objecte au nom et au profit de ses membres qui risquent de perdre un volume d’affaires considérable. J’estime donc que, dans son essence, l’intervention vise surtout à protéger l’intérêt économique d’un tiers au débat. Or, je ne peux arbitrer entre les intérêts privés en compétition dans le marché du voyage au Québec, puisque mon rôle se résume uniquement à analyser l’Entente dans le prisme de l’intérêt des membres du groupe.

Rappelons qui sont ces membres du groupe:

Tous les consommateurs, au sens de la LPC, résidant dans la province de Québec, qui entre le 10 février 2014 et le 30 avril 2017 ont acheté et/ou obtenu des billets et/ou ont voyagé avec VACANCES SUNWING INC. et/ou LIGNES AÉRIENNES SUNWING INC., pour un vol et/ou un forfait présenté, publicisé ou décrit en utilisant le mot « champagne ».

Article précédentAir Canada lance le premier système de reconnaissance faciale pour identifier les passagers au Canada
Prochain articleExplorez l’Europe avec Air Canada
Isabelle Chagnon
Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.