En coulisses chez GVQ : entrevue avec Laurent Plourde

Laurent Plourde, président de Groupe Voyages Québec

Dossier spécial. Comment gérer des centaines d’employés et des milliers de produits offerts pour une saison qui arrive à grands pas? Alors que tout change constamment? Le président de Groupe Voyages Québec, Laurent Plourde, nous commente une visite à l’interne.

Open Jaw Québec : Comment se porte actuellement le carnet des réservations de GVQ pour les voyages en 2021?

Laurent Plourde : Les réservations vont très bien. Sans surprise, en 2021, c’est le Canada qui a la cote. Ce n’est ni les États-Unis, ni l’international et les croisières. Le Canada est une de nos forces depuis 40 ans donc, grâce à ça, on est prêts depuis longtemps à déployer le Canada d’est en ouest et du nord au sud. Pour certaines destinations canadiennes, certaines dates de départ affichent peu de disponibilités restantes. Quelques départs sont déjà complets.

OJQ : À quelle hauteur se situe votre niveau de confiance en la saison d’été qui s’en vient? À l’égard de l’achalandage?

LP : Nos départs sont majoritairement après la vaccination complète des adultes au Québec. Des mesures devront continuer d’être appliquées, mais on peut déjà penser qu’il y aura certains assouplissements. Et cela encouragera l’achalandage.

Les destinations populaires et impopulaires

OJQ : Certaines destinations sont-elles plus populaires que d’autres?

LP : Oui. Au Québec, le nombre de voyages organisés que nous offrons pour la Côte Nord, cet été, est vraiment beaucoup plus élevé qu’auparavant. Notre remplissage sur les Îles-de-la-Madeleine est beaucoup plus rapide qu’habituellement. L’Abitibi et le Lac St-Jean aussi sont assez populaires en ce moment.

OJQ : Les augmentations sont de quel ordre?

LP : Sur certaines destinations au Québec, nous avons carrément doublé nos départs.

OJQ : Et le reste du Canada?

LP : Nous proposons beaucoup plus d’offres qu’auparavant, surtout dans l’Ouest canadien. Quand la Santé Publique annoncera des ouvertures pour les voyages non essentiels dans l’Ouest, les réservations bondiront.

OJQ : Certaines destinations seront-elles moins populaires que d’autres? Et si oui, lesquelles et pourquoi?

LP : Plus que jamais cette année, les gens veulent voyager dans les grands espaces. Et on s’attend à ce que cela perdure jusqu’à temps que les gens aient vraiment un sentiment de sécurité à l’égard de la proximité entre les individus. Pour cette raison, les gens évitent définitivement les séjours urbains. Pour les raisons de distanciation sociale notamment. La recherche des grands espaces expliquent pourquoi le Québec hors villes est populaire, mais aussi l’Ouest canadien ou encore le Yukon. L’effervescence envers les villes viendra sans doute plus tard.

OJQ : Donc, les agences peuvent faire de bonnes affaires avec GVQ? En ce moment?

LP : La business est là. Le client est là. Nous enregistrons une belle croissance auprès des agences de voyages du Québec. Beaucoup d’agences avec qui on travaille depuis longtemps sur l’international augmentent, en ce moment, leurs ventes sur le Québec, autant en groupes qu’en individuels. Plusieurs agences qui n’avaient jamais vendu du Québec avant en vendent maintenant.

OLQ : Selon vos prédictions, allez-vous doubler votre chiffre d’affaires sur vos produits au Canada? Le tripler? Par rapport à avant la pandémie?

LP : Je ne sais pas encore, mais je peux déjà souligner que la saison 2021 sera assez différente. Je vois une croissance, oui. Est-ce qu’elle sera inimaginable? Je ne sais pas. Et est-ce qu’elle sera plus dispendieuse à opérer? Sans doute.

OJQ : Parce qu’il y a un coût à tout ça? À cause des mesures?

LP : Oui, la pandémie coûte cher en opérations. Car il faut faire et refaire. On sait par exemple que certains fournisseurs ne seront plus là cet été. À cause de ça, GVQ dispose d’une équipe entière, en ce moment, qui ne fait que de la vérification de nos prestataires et de la validation de l’ensemble de toutes les prestations canadiennes sur nos milliers de départs. Car certains prestataires décideront plus tard de fermer leurs portes parce qu’ils vont juger, éventuellement, que la saison ne sera finalement pas assez rentable pour eux. Et on ne fait pas ce genre de chose habituellement. Il y a une étape de validation à la création du forfait, et il y a maintenant une étape additionnelle de validation avant la date de départ.

La recette de 2021

OJQ : Avec l’expérience que vous avez connue en 2020, comment réussissez-vous à construire 2021?

LP : Le mot magique, c’est flexibilité. Pour nos clients, avec nos fournisseurs. On doit être présents maintenant sur le marché des voyages au Québec et au Canada. Car autant les marchés ferment vite, ils peuvent ouvrir rapidement. On offre toutes les mesures de flexibilité possibles aux clients pour qu’ils puissent prévoir et changer leur plan. Les dépôts sont 100 % remboursables jusqu’à 100 ou 45 jours avant le départ, selon les forfaits.

OJQ : Qu’est-ce que veut dire flexibilité pour le client?

LP : Flexibilité dans le changement de dates du même programme ou au niveau de la possibilité d’annulation.

OJQ : L’adaptation des programmes n’est pas une option?

LP : Oui aussi, tout à fait, Pour chaque forfait, on a des plans A, B, C… Nous avons déjà préparé ces plans pour parer aux éventualités. Que ce soit pour les Îles-de-la-Madeleine ou la Bulle Atlantique ou l’Ouest canadien. C’est un travail qu’on a fait en amont.

OJQ : Et que veut dire flexibilité chez vos fournisseurs?

LP : Avec eux, flexibilité veut dire ne pas confirmer maintenant les départs qui sont au mois de septembre.

OJQ : Et ça se gère comment, faire des plans B et C ?

LP : On observe tout ce qui se passe dans l’actualité, tout ce qui touche la vaccination. On se questionne sur comment prévoir ce qui est imprévisible. On doit se questionner si le petit restaurant partenaire à tel endroit va être encore là au mois de septembre. On n’avait jamais fait ça auparavant. Jamais nous devions nous questionner si ce restaurant ou tel autre hôtel allait peut-être fermer. Aujourd’hui, on doit être prêt à toutes les éventualités possibles.

OJQ : Cela vous amène à demander quoi à vos partenaires prestataires ? De repérer, déjà, des alternatives?

LP : Entre autres. Mais aussi de vérifier les mesures en place. Comme nous faisons beaucoup voyager des groupes, ce qui nous a beaucoup affecté, c’est notamment le nombre de places disponibles dans les restaurants. La gestion des arrivées dans les attractions aussi. On doit aussi se questionner si la Colombie-Britannique va changer ses règles en termes de nombre maximum de personnes en autocar, par exemple. On n’avait jamais ces questions-là avant! Même chose du côté de l’Atlantique. On attend de savoir si les Maritimes vont accueillir des Québécois cet été, et si oui, à partir de quand.

OJQ : Croyez-vous pouvoir honorer tous les programmes qui sont proposés dans vos brochures en 2021?

LP : On a bon espoir que oui. Avec le déroulement de la vaccination en ce moment, on a bonne confiance que la majorité de nos programmes vont pouvoir se faire.

OJQ : Pour respecter les mesures sanitaires, les autocars ne doivent pas dépasser 50 à 70 % de leur capacité. Comment un tour opérateur comme GVQ fait pour calculer sa rentabilité?

LP : Les bases comparatives sont différentes cette année. Plusieurs forfaits sont vendus plus chers cet été parce que plusieurs sièges ne peuvent pas être vendus. Tandis que l’autocar nous coûte le même prix. Nous avons travaillé très fort pour limiter le plus possible les augmentations de prix. Mais c’est toute la chaîne qui est affectée par les conséquences de la pandémie.

OJQ : Vos augmentations suivent les augmentations des autres…

LP : Effectivement. Certains hébergements sont plus chers cette année. Ces augmentations se reflètent dans nos prix.

OJQ : Tous vos voyages sont plus chers cette année?

LP : Non, certains sont moins chers qu’en 2019. On voulait que la business reprenne alors on a travaillé très fort avec nos partenaires. À certains endroits aussi, on a pris plus de risque.

OJQ : Avez-vous une politique du meilleur prix en temps de pandémie?

LP : Oui. Advenant le cas où les mesures sanitaires changent, il pourrait y avoir plus de passagers à bord des autocars, et donc il pourrait y avoir baisse de prix. Le client en bénéficiera.

Canada aujourd’hui, Canada demain?

OJQ : Le vedettariat du Canada va-t-il perdurer auprès des Québécois? Après la pandémie?

LP : Je m’attends à ce qu’il y aura un certain retour à la normalité. L’augmentation des voyages au Canada, par des Canadiens, ne va pas se continuer à long terme. Mais ce ne sera pas seulement parce que les Canadiens n’éprouveront plus un aussi grand intérêt envers le Canada. C’est que les pays étrangers aussi, comme le Canada, vont tout faire pour re-séduire les Canadiens, pour les ramener à voyager dans leur pays après la pandémie. Ce sera un retour à un certain équilibre finalement. Par contre, si on réussit à faire en sorte qu’il y ait un pourcentage de plus de Québécois qui restent au Québec, et bien ce sera extrêmement bon pour notre économie.

OJQ : Êtes-vous hyper sollicités en ce moment? Par les fournisseurs de toutes sortes de produits et services au Canada? Qui voudraient combler, finalement, le néant que laissera pour eux l’absence des voyageurs étrangers au Canada?

LP : Oui. Quelques régions au Canada ont souhaité nous voir plus présents cette année. Mais il y a un danger à vouloir faire voyager que pour faire voyager, sans prendre le temps d’étudier les offres. Il faut toujours se demander si telle prestation va en valoir la peine. Est-ce que mes clients vont vivre une belle expérience.

OJQ : Avez-vous des signes que le tourisme aux États-Unis va reprendre bientôt?

LP : Non, aucun. On ne sait pas plus que les autres. Mais ça peut aller très rapidement de ce côté-là quand on regarde la rapidité avec laquelle les Américains se font vacciner. Leur échéancier est fin mai. On peut penser qu’il y aura une ouverture au courant de l’été.

Voyages organisés en autocar: une mort annoncée?

OJQ : Certaines personnes de l’industrie disent que ça y est, la mort du voyage de groupe organisé est arrivée, à cause de ce que change la pandémie actuellement dans nos rapports de rapprochement avec les individus étrangers. Vous dites quoi?

LP : C’est compréhensible d’avoir cette opinion. Je comprends très bien à court terme. Mais à long terme, il va y avoir une fin à cette pandémie. Je crois que le tourisme de groupe est en croissance même, hors pandémie, parce qu’il n’est plus du tout ce qu’il était avant. Les groupes ne sont plus maternés comme avant. Il y a plus de temps libre. Voyager en groupe permet d’avoir des accès et des exclusivités qu’on ne peut pas avoir autrement.

OJQ : En terminant, souhaitez-vous adresser un quelconque message à l’industrie?

LP : Je veux remercier tous mes partenaires agences de voyages. Et si elles veulent des conseils, notre équipe est en place. Pour plusieurs agents, ce n’est pas commun de vendre le Québec à des Québécois. Mais nous sommes habitués. Et on peut les aider.

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.