Soutien-gorge: pointe de l’iceberg des anecdotes courantes du code vestimentaire en avion

« J’ai été traitée comme une criminelle! » dit-elle. « Mais pourquoi? » demande l’autre. « À cause du soutien-gorge! » répond-elle. « Mais qu’est-ce qu’il avait, ton soutien-gorge? Y’était pas beau? » demande l’autre. « J’en n’avais pas!! » répond-elle.

Kristen Plastique/Unsplash

Et alors? Ça fait quoi de ne pas porter de soutien-gorge quand on prend l’avion?

Et bien selon le bout de tissu qui recouvre les seins dépourvus de soutien-gorge, selon sa forme (du bout de tissu, pas des seins!) et selon sa transparence, et selon le feeling du moment de l’agent de bord, ça peut faire la différence entre embarquer dans l’avion, ou non.

Cette histoire vraie a fait récemment les manchettes dans NBC Los Angeles dans un article intitulé Une femme affirme avoir été « ciblée » par Delta Air Lines parce qu’elle ne portait pas de soutien-gorge.

Un item vestimentaire manquant qui cause problème, ce n’est que la pointe d’un iceberg gros comme ça, dans l’océan des déboires vestimentaires des passagers dans les avions du monde entier.

Et ce n’est pas l’apanage que du soutien-gorge.

On peut se faire interdire l’accès à bord si on marche pieds nus. On peut se faire accoster si on porte un speedo. On peut aussi se faire expulser de l’avion parce que le slogan de notre T-shirt est trop violent.

Ce n’est pas l’apanage non plus que des vêtements.

On peut se faire interdire l’accès à bord parce que notre odeur corporelle est offensante.

Un problème des temps modernes

C’est un sujet du jour. Dans le sens « aujourd’hui » ou « de nos jours ». Car voici : les plus jeunes voyageurs ne le savent pas, mais jadis, c’est-à-dire disons les deux premières décennies qui ont suivi la démocratisation du transport aérien commercial (accessible au public en général), soit les années 60 et 70, prendre l’avion, ça voulait dire :

-passer chez le coiffeur tout juste avant un vol pour se faire refaire l’architecture capillaire

-sortir son sac à main du dimanche

-porter un ensemble trois pièces pour les hommes

-porter tailleur et talons hautes pour les femmes.

En d’autres mots, prendre l’avion, c’était glamour.

Pourquoi c’est devenu un problème aujourd’hui

Si hier, prendre l’avion, c’était un acte glamour avec toutes les fioritures luxueuses que ça comportait, aujourd’hui, les mots d’ordre sont : confort, et MA personnalité d’abord.

C’est là que les cartes d’embarquement se déchirent.

« De nos jours, le confort est roi et, parallèlement à l’évolution des normes et des tendances culturelles telles que l’athleisure, la plupart des cabines économiques sont peuplées de passagers portant des jeans, des T-shirts, des sweats à capuche, des tongs et parfois même des pyjamas », fait remarquer NBC Los Angeles.

S’il n’y avait que le pyjama….

Mais ce n’est pas le cas.

D’un côté, c’est que les notions de confort et ma-personnalité-d’abord  basculent dans l’excès : le string est visible, le mamelon aussi, et les slogans sur vêtement hurlent les pires films de torture ou provocations dérangeantes.

De l’autre côté, c’est que « même en tenant compte de la nouvelle norme de tenue vestimentaire décontractée, les frictions de mode qui peuvent survenir entre les passagers et le personnel des compagnies aériennes, peuvent être en partie attribuées au flou général des politiques des compagnies aériennes », ajoute le média.

Si on doute largement que les passagers lisent ces politiques, le personnel navigant, lui, doit néanmoins les appliquer.

Une affaire largement féminine

Ce que les observateurs du phénomène remarquent aussi, c’est que, à bien y regarder, les réprimandes, altercations, interdictions de monter à bord et expulsions impliquent largement qui? Les femmes.

Si bien que les voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer une discrimination basée sur le sexe de la personne.

Si on regarde la situation dans une échelle qui englobe la planète (c’est-à-dire si on sort des cas uniquement en Amérique du Nord), on bascule dans le choc culturel.

D’abord les généralités sur les politiques :

Il y a quelques années, Saudia Airlines annonçait qu’elle imposait désormais à ses passagers un code vestimentaire strict. Sur son site, dans la rubrique « formalités de voyage », on précise que les voyageurs ne doivent pas « porter d’habits qui pourraient gêner ou offenser d’autres passagers ».

Puis, quand vient le temps de préciser, c’est là que les femmes sont largement ciblées :

« Les vêtements des femmes doivent couvrir leurs bras et leurs jambes. Ils ne doivent pas être trop fins ou trop serrés. »

Et que dit Saudia Airlines pour les hommes? Le short interdit.

« Des voyageurs de différentes nationalités se sont fait surprendre par ces nouvelles règles et racontent sur Twitter, qu’ils ont dû acheter d’autres vêtements à l’aéroport ou même annuler leur vol, n’ayant pas pris connaissances de ces restrictions vestimentaires avant leur voyage » ajoutait L’édition du soir.

La problématique derrière le problème

Des analystes du phénomène commencent également à soulever la problématique suivante :

« L’aspect le plus délicat de la plupart des politiques des compagnies aériennes, c’est l’ambiguïté inhérente à la signification de termes tels que « de manière appropriée », « obscène » et « offensant » », soulève NBC Los Angeles dans son dossier.

En d’autres mots, la définition de « obscène » ou « offensant » est bien différente selon qu’on soit aux États-Unis ou en Arabie Saoudite.

Nick Leighton, expert en étiquette et co-fondateur du podcast Were You Raised by Wolves ?, note que « ce qui est considéré comme acceptable ou approprié varie considérablement selon les zones géographiques desservies par la compagnie aérienne« .

La question qui tue

Mais au fait, pourquoi tout ça? Pourquoi obliger un soutien-gorge ou des chaussures? Pourquoi interdire un vêtement trop révélateur?

Deux raisons.

La première :

-éviter le risque déraisonnable d’offense ou de gêne pour les autres passagers.

« De nombreux passagers ne sont pas conscients du risque de problèmes en vol qui peuvent surgir, par exemple, d’un slogan apparemment inoffensif sur un T-shirt. A 30 000 pieds d’altitude, il y a des conversations, des plaisanteries ou des commentaires inappropriés entre passagers. Ajoutez un peu d’alcool et vous pourriez devoir effectuer un atterrissage imprévu » confiait Mary Jo Manzanares, une ancienne agente de bord américaine.

La deuxième :

-la sécurité des passagers.

« Une grande partie des problèmes pourraient être évités si les passagers choisissaient leurs tenues à bord en gardant à l’esprit leur sécurité personnelle, et plus particulièrement, la manière dont certains vêtements et chaussures se comporteraient en cas d’urgence. Personnellement, je veux m’assurer que si je dois quitter un avion dans 90 secondes, je suis habillé de manière appropriée« , ajoutait Nick Leighton.

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.