Taylor Swift et son rouleau de papier de toilette

Le phénomène post-pandémique du revenge traveller, c’est de la p’tite bière à côté de ce qui se produit actuellement dans le monde entier, suite et en prévision de la tournée de spectacles de Taylor Swift.

Photo: Jeff Kravitz/TAS23/Getty

Les chansons de la chanteuse n’ont plus rien à voir là-dedans. La tournée Eras Tour, qui commence sa déferlante (Larousse : déferlante : adjectif qui veut dire « phénomène brutal et massif ») en Europe dans quelques jours, c’est le Dieu Tout-Puissant à connotation stimulante que des millions de gens (dont beaucoup de jeunes) attendaient pour se faire shooter à l’adrénalo-stéroïde depuis la foutue pandémie qui nous avait littéralement éteints.

En d’autres mots, le succès surréaliste de cette tournée, il est grandement dû au timing dans l’Histoire.

Mais aussi : en ce moment, l’industrie du voyage attrape au bond la ba-balle du Dieu Tout-Puissant et transforme l’eau en vin. Traduction : le splash en cash.

Le rouleau de papier de toilette

Dans une SQDC près de chez vous, si elle était une drogue, Taylor Swift serait vendue dans le rayon des speed. Et parlant de pandémie, si on devait identifier l’avatar de Taylor Swift sorti tout droit des années folles de Lady Covid, ce serait le rouleau de papier de toilette.

Car souvenons-nous : quand on a questionné les gens pour savoir pourquoi, tout à coup, ils ont commencé à stocker du papier de toilette comme des zombies possédés, la majorité a répondu qu’elle n’en savait rien, mais que parce qu’elle voyait tout le monde le faire, elle le faisait.

Spectacles de Taylor Swift & papier de toilette : même combat.

Un tour d’horizon de tout ce qui se raconte en ce moment sur le tsunami Swift nous apprend qu’un nombre phénoménal de gens achètent des billets pour un spectacle de Taylor Swift, non pas parce qu’ils sont des fans finis de la chanteuse pop, mais bien « parce que tout le monde le fait, fais-le donc! » :

« Tim Brown, 44 ans, et sa femme Marcella, 34 ans, ne se considèrent pas comme de véritables « Swifties », mais lorsqu’il a été annoncé en juin dernier que Taylor Swift visiterait leur coin de pays cet été, ils n’ont pas pu résister à la tentation de se joindre à la ruée » raconte The Gardian dans ce dossier fort intéressant intitulé European cities hope jet-setting Taylor Swift fans will splash the cash for Eras tour.

Photo: Allen J. Schaben/Los Angeles Times/Getty Images

Revenons à l’industrie du voyage.

En Europe, en ce moment, c’est le délire. (Larousse : délire : perte du sens de la réalité se traduisant par un ensemble de convictions fausses, irrationnelles, auxquelles le sujet adhère de façon inébranlable.)

Les règles sortent de leur cadre, les machines à carte de crédit ont des orgasmes et la créativité est dans le tapis.

Hôtels, avions, trains, croisières : la swift-ruée vers l’or

Les hôtels des villes visitées par la tournée battent des records d’occupation, même à des tarifs hyper élevés, en raison de l’explosion de la demande, rapporte CNN Travel.

LATAM Airlines a renoncé aux frais de changement pour les passagers d’un concert récemment reporté ; Air New Zealand a ajouté 2 000 sièges supplémentaires à son réseau autour des spectacles de Swift (et, astuce!, a baptisé certains vols NZ1989, en clin d’œil au cinquième album de la chanteuse), rapporte The Gardian.

Pour les spectacles à Dublin à la fin du mois de juin, Irish Rail a annoncé des services nocturnes supplémentaires à destination de Cork et Limerick pour répondre à une augmentation de la demande. Des services supplémentaires de tramway et de bus seront aussi offerts.

La compagnie de croisière Royal Caribbean organise des croisières sur le thème de Taylor Swift, en 2024, et, tenez-vous bien : un circuit pédestre dans la ville de New York aurait été monté de toutes pièces à partir de tous les lieux à New York qui sont mentionnés dans les chansons de Taylor Swift…

Par ailleurs, contrairement aux opérateurs ferroviaires, fait remarquer The Gardian, la plupart des compagnies aériennes n’ont pas la capacité d’affréter des vols supplémentaires pour profiter de la manne. Mais pas de souci : en raison du « yield management » (ajuster les prix en fonction de la demande), la ruée sur les vols à destination des villes qui accueillent la tournée Eras se traduit par des billets plus chers plutôt que par des vols supplémentaires.

Voyager responsable? Pfff.

Il n’y a pas que les règles qui sortent de leur cadre. Avec la tournée Eras Tour, les principes aussi.

Dans le registre du « voyageons responsable » qui est supposément teeeellement important aujourd’hui, et bien désolé pour toi chère Planète Terre et toutes tes histoires d’environnement et de GES : des centaines de milliers de personnes prendront bientôt l’avion pour se rendre dans une ville vraiment-pas-près-de-chez-vous pour faire partie du mouvement :

« il y aura un mouvement massif de fans itinérants prêts à traverser le continent pour assister à un spectacle de Taylor Swift » rapporte également The Gardian.

Cela dit, soyons honnêtes : l’homo sapiens-consommateur, s’il mange, c’est que notre industrie du voyage lui donne à manger. Plus encore : notre industrie dit vouloir l’aider : « Top 5 Europe trips to help you ‘Taylor Your Contiki’ in 2024 » souligne le tour opérateur Contiki dont les jeunes de 18 à 35 ans sont les voyageurs-cibles.

« Sachant que les fans sont prêts à parcourir de longues distances pour voir leur artiste préférée en concert, le tour opérateur propose des forfaits spécialement adaptés à cinq dates de la tournée de Swift, dont l’un traversera sept pays en neuf jours entre le 12 et le 21 mai » peut-on lire.

Nouvelle tendance voyage: l’urgence de l’expérience

Madame Swift ne le sait peut-être pas, mais elle vient de créer, selon des analystes, une nouvelle tendance dans le monde du voyage : l’urgence de l’expérience.

« Avec des stars de la pop comme Swift, il y a l’élément urgence qui s’inscrit maintenant dans l’expérience. Cet élément urgent, c’est un moment que les fans ne veulent pas manquer » a confié Michelle Meyer, économiste en chef à la Mastercard Economics Institute, à la plateforme Thrillist.

Et la suite explique plein de choses: « cela incite les gens à dépenser comme ils ne l’auraient peut-être pas fait autrement. « Si vous voulez aller voir Taylor Swift, vous devez trouver un moyen de le faire. C’est ça l’urgence » a ajouté l’économiste.

Touristes des friperies

Un autre aspect succulent de la chose est étudié dans le phénomène qui se produit actuellement : le comportement, jugé très différent, des voyageurs qui poussent les portes des destinations pour voir un spectacle pop.

« Les touristes de la culture pop ne se soucient pas nécessairement des bâtiments traditionnels et des restaurants authentiques », expliquait Maria Lexhagen, professeur à l’Institut européen de recherche sur le tourisme de l’université de Suède centrale, à The Gardian.

« Rejoindre d’autres communautés de fans est une motivation plus forte, tout comme l’idée qu’ils pourraient se rapprocher des stars elles-mêmes. Nombre d’entre eux dresseront la carte des lieux où Swift passe son temps dans la ville – ils chercheront des endroits apparemment marginaux mais significatifs, comme des ruelles ou des cafés ».

L’office du tourisme de Stockholm aurait même déclaré s’attendre à ce que les librairies et les magasins de vêtements d’occasion (friperies), plutôt que les musées et les palais royaux, soient ceux qui attirent la plupart des visiteurs venus pour la chanteuse.

Bref, le phénomène Taylor Swift est visiblement un sujet d’études en voyage au grand Bac. Et c’est sans aborder l’aspect comment réussir à faire décoller son économie, et l’aspect politique : « il n’est pas étonnant que nous ayons vu des dirigeants du monde entier faire ouvertement campagne pour que la tournée s’arrête dans leur pays » fait voir CNN Travel.

Wikipédia : Taylor Swift : préscolarisée par des sœurs, passe une partie de son enfance dans une ferme de sapins de Noël et à chanter notamment dans des hôpitaux.

Elle se décrit comme «une enfant d’Internet», utilisant Myspace pour avoir des fans.

Elle lance une ligne de robes d’été avec la marque L.e.i. pour Walmart, des cartes de vœux et des poupées.

Pour sa première tournée en 2009/2010, la mise en scène comprend un château de conte de fées et un kiosque d’école secondaire. Elle effectue une vaste campagne promotionnelle et donne plusieurs mini-concerts gratuits dans des lieux insolites, comme la salle d’attente à l’Aéroport international John-F.-Kennedy.

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.