Aéroport St-Hubert : en attente du trop plein de Dorval

Tour de contrôle de l’Aéroport de St-Hubert. Photo: Dash-L

Open Jaw Québec a saisi l’occasion d’échanger avec Chrono Aviation pour prendre des nouvelles de l’Aéroport de St-Hubert, au chapitre du développement et du positionnement de cet aéroport dans les échiquiers aéroportuaires national et international.

Open Jaw Québec : Ça fait longtemps que vous êtes installés à l’Aéroport de St-Hubert?

Dany Gagnon, vice-président du Groupe Chrono Aviation : Chrono Aviation s’est installée ici en 2014 parce que nous avions vu le potentiel flagrant de St-Hubert dans le transport aérien.

OJQ : Justement, on le sait depuis longtemps, ce potentiel de St-Hubert. Mais comment expliquer que les choses ne bougent pas vraiment? Que l’Aéroport de St-Hubert n’est pas encore sur le menu des aéroports des vols commerciaux nationaux et internationaux?

DG : Il y a plusieurs années, la volonté politique n’était pas là, en tout cas pas assez pour débloquer des budgets. Depuis quelques années, il y a une réelle volonté politique de créer un aéroport secondaire à celui de Trudeau. Le gouvernement fédéral a investi plusieurs millions de dollars pour la réfection de la piste principale de l’aéroport, piste qui a été inaugurée en 2018, justement pour être capable d’accueillir des gros porteurs.

La volonté est là, mais il reste du travail à faire. Entre autres, il reste à la direction de l’Aéroport de St-Hubert de négocier avec Trudeau. Parce qu’une  clause a été émise par Transports Canada et qui stipulait que les deux aéroports ne pouvaient pas se faire compétition.

Vue aérienne sur l’Aéroport de St-Hubert. Photo: Dash-L

OJQ : En définition, une clause qui interdit à l’Aéroport de St-Hubert de faire dans les vols internationaux notamment…

DG : Exactement. C’est une clause commerciale qui doit être révoquée ou renégociée entre DASH-L (l’organisme propriétaire et exploitant de cet aéroport), ADM et Transports Canada. Ça c’est un des points.

Un autre point, c’est que l’Aéroport de St-Hubert n’a pas de services pour les incendies. Si ce point ne nous freine pas, nous, dans notre développement, il freine le développement de compagnies comme Air Canada ou Sunwing. Je ne suis pas certain que ces compagnies vont venir opérer dans un aéroport qui n’a pas de services d’incendie…

OJQ : Ne devrions-nous pas plutôt parler d’impossibilité? Certainement qu’aucun assureur voudra assurer une compagnie qui opère sur un aéroport sans services d’incendie, non?

DG : Effectivement. Il faut que l’Aéroport de St-Hubert augmente son niveau de services pour devenir un aéroport acceptable pour des lignes aériennes comme celles-ci. Ensuite, ça prend des douanes pour pouvoir accueillir des vols internationaux, ce qu’il n’y a pas encore à St-Hubert.

OJQ : Mais bien avant de se rendre à l’international, l’Aéroport de St-Hubert ne pourrait-il pas soulager Dorval des vols à l’intérieur des frontières au Canada?

DG : Tout à fait. Par contre, pour ce qui est de desservir le Canada, il manque un autre élément : l’Aéroport de St-Hubert doit obtenir une désignation de Transports Canada – on appelle ça être un « aéroport désigné » – qui permet d’être doté du service de sécurité aéroportuaire de l’ACSTA. Pour obtenir cette désignation, l’aéroport de St-Hubert doit appliquer auprès de Transports Canada.

OJQ : Donc St-Hubert ne l’a pas encore obtenue?

DG : Ils sont en train de le faire. L’aéroport a encore du chemin à faire, mais le potentiel est là. Si on ne croyait pas que le potentiel est énorme, on n’aurait pas investi 25 millions de $ en deux ans sur le site, comme on vient de le faire.

Le terminal passagers flambant neuf de Chrono Aviation, à l’Aéroport de St-Hubert

OJQ : Vos 25 millions $ ont servi à quoi?

DG : À construire et aménagé nos infrastructures, dont un aérogare passager.

OJQ : Donc, la lenteur du développement de l’Aéroport de St-Hubert, et de l’obtention des désignations requises, n’est-elle pas un frein pour les ambitions de Chrono Aviation? Alors que vous venez d’acheter un Boeing 737-800?

DG : Dans un monde idéal, on espère opérer un jour de l’Aéroport de St-Hubert parce qu’on y croit. Mais ce nouvel appareil peut décoller de Toronto, Calgary ou encore Vancouver. Nous irons là où est le marché. Je vais être bien déçu si, dans quelques années encore, nous devrons encore opérer cet avion ailleurs que dans notre cour, parce que l’aéroport n’aura pas su ou réussi à obtenir les désignations nécessaires pour se mettre en position de nous accueillir.

Mais pour nous, ça ne freine aucunement la business. Les compagnies aériennes volent de partout au Canada actuellement, sans St-Hubert. Mais à nouveau, on y croit. Chrono Aviation n’a pas les mains sur le volant du développement de l’Aéroport de St-Hubert. Mon rôle est de développer ma compagnie, dans un aéroport auquel nous croyons. C’est pourquoi nous appuyons bien entendu les démarches entreprises par l’Aéroport de St-Hubert. Les choses ne vont pas à la vitesse à laquelle nous aimerions qu’elles aillent, mais nous croyons aux réalisations futures de cet aéroport et nous savons que les choses aboutiront un jour. Nous en sommes convaincus.

Dany Gagnon, vice-président du Groupe Chrono Aviation

OJQ : La longue pause de la pandémie n’aide pas….

DG : La pandémie a tout arrêté, mais quand il y aura une reprise des voyages, après la pandémie, la raison d’être de l’Aéroport de St-Hubert reviendra rapidement sur la table. Parce que Dorval va redevenir aussi débordé qu’il l’était. Et quand Dorval déborde, un aéroport secondaire comme St-Hubert est pris en considération. Et c’est là où on en était avant la crise actuelle.

OJQ : De votre point de vue, de quelle ampleur est la problématique de Dorval en terme d’achalandage des vols?

DG : Avant la pandémie, Dorval était à la veille de mettre à la porte des vols de Porter, qui devait opérer sans les « bridges », parce qu’il n’y avait pas de « gates » pour eux. C’est connu depuis longtemps que Dorval est saturé. Dorval va bientôt atteindre sa limite physique est terme de développement. Et logiquement, il n’y a pas d’autres aéroports que celui de St-Hubert pour agir à titre d’aéroport secondaire.

Article précédentBudget fédéral : l’AAVQ en entrevue
Prochain articleChrono Aviation : concurrent imminent aux WestJet, Sunwing, Air Canada et Transat?
Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.