Grèce: mais qu’est-ce qui provoque réellement l’annulation des escales croisière à Corfou?

Norwegian Cruise Line est en train d’aviser ses futurs passagers que ses escales à Corfou, prévues cet été 2023, sont annulées. À l’été 2022, on a aussi vu des annulations à Corfou. Mais pourquoi donc?

Le portail de nouvelles Cruise Hive rapporte que « aucune raison autre que des « circonstances imprévues » n’a été donnée pour ces changements ».

Sans plus.

Alors quand on ne donne pas d’explication, on pose forcément la question. Et on cherche. Et parfois on fait des puzzles avec ce qu’on trouve.

D’abord l’avis d’annulation

« Norwegian Cruise Line a commencé à contacter les clients ayant réservé une croisière dans les îles grecques pour les avertir des changements d’itinéraire, notamment la réduction du nombre d’escales et la suppression du port populaire de Corfou. Toutes les croisières concernées se déroulent pendant la saison d’été 2023 en Méditerranée, et toutes sont effectuées à bord du Norwegian Breakaway », souligne Cruise Hive.

« Les changements d’itinéraire comprennent le remplacement de l’île de Corfou par un autre port d’escale. »

Puis : « Pour chaque voyage, il semble que Corfou ait été supprimé comme port d’escale et remplacé par un autre port. Une option est Olympia, une autre est Argostoli. Il peut y avoir d’autres alternatives en fonction de la navigation exacte, ou les clients peuvent avoir une journée en mer à la place. »

Fouillons le passé

L’histoire ici ne dit donc pas véritablement pourquoi il y a annulation, mais en fouillant le passé, on découvre que ce n’est pas la première fois.

En effet, Corfou et les compagnies de croisière n’en seront pas à leur premier été d’annulations. En juin 2022, non seulement des passagers avaient signalé leur tristesse de voir leur escale à Corfou annulée, mais certains avaient signalé le silence entourant cette annulation de la part de la compagnie de croisière avec laquelle ils voyageaient :

« Bonjour, je suis actuellement à bord d’une croisière de 10 jours dont le départ a eu lieu le 20 juin à Rome. En consultant l’application, j’ai vu que l’escale à Corfou est devenue un deuxième jour en mer. Il n’y a pas eu d’annonce et la plupart des passagers ne semblaient pas au courant. Le bureau des excursions terrestres affirme ne pas savoir ce qui s’est passé. Quelqu’un le sait-il par hasard ? » avait posté une passagère, le 21 juin 2022, sur le forum de Cruise Critic.

Fouillons Corfou

« Le tourisme et le développement seront la mort de Corfou! »

Wô!

Pas plus tard qu’il y a deux jours, le National Herald de Grèce a rapporté que l’écrivain irlandais Richard Pine, qui vit en Grèce, hurle ainsi son inquiétude à propos de Corfou.

Nos recherches ne nous disent pas noir sur blanc s’il y a un lien entre l’annulation des escales à Corfou et cette inquiétude, mais en tout cas, la vie n’est visiblement pas un long fleuve tranquille, en ce moment, à Corfou.

« Corfou est en train de devenir un lieu de vie inhospitalier pour ses propres habitants, une vitrine et non un organisme vivant » a signé ici Richard Pine, dans une lettre ouverte.

Il ajoute :

« Rien qu’à Corfou, 1,7 million de touristes sont arrivés par avion l’an dernier, sans parler des dizaines de milliers de personnes qui débarquent des bateaux de croisière.

« Sans le tourisme, qui contribue pour plus de 25 % au produit intérieur brut, la Grèce serait économiquement morte. Mais avec le tourisme, elle est en danger de mort sociale et culturelle. Comment protéger et maintenir la qualité de vie des personnes qui vivent en permanence en Grèce si l’on encourage l’expansion incontrôlée du nombre de touristes et de leur comportement ? »

Monsieur Pine poursuit en disant qu’il a été affirmé que les développements dits « stratégiques » à Ios, Corfou, Paros et Kea, et financés par des investisseurs étrangers, « sont la seule voie possible pour le développement du tourisme. Mais, face à cette insistance sur les énormes investissements étrangers, les habitants de la région affirment que l’hypertourisme est un choix problématique et la construction d’un tourisme à grande échelle n’est pas une solution à sens unique, en particulier pour les îles.

« Corfou souffre aujourd’hui de la même maladie que Venise. C’est de l’érosion : on remplace l’artisanat et les savoir-faire traditionnels par des cafés et des souvenirs de fabrication étrangère. De nombreux articles « traditionnels grecs » sont fabriqués en Chine ou à Taïwan. Et pourquoi un touriste britannique venant d’un bateau de croisière voudrait-il acheter des articles de Marks & Spencer à Corfou ? Ou un sweat-shirt portant la légende « Chicago Bulls » ?

« Corfou, comme Venise, est en train de devenir un lieu de vie inhospitalier pour ses propres habitants. Dans le village où je vis, les deux tavernes jadis ouvertes toute l’année ont fermé pour l’hiver, car le commerce de passage est devenu plus lucratif, et donc plus important, que la coutume locale. Le village risque de devenir une vitrine plutôt qu’un organisme vivant. »

Fouillons le voisinage de Corfou

On ne peut toujours pas confirmer s’il y a un lien entre l’annulation des escales à Corfou et les inquiétudes qui y planent, mais nos recherches indiquent que ce n’est pas plus oupdaladoudidou ailleurs en Grèce.

« Une étude récente signale qu’Athènes a également atteint un point de saturation, et dans ce cas, en raison de l’explosion de l’offre Airbnb qui a augmenté de 500 % au cours des sept dernières années, poursuit Richard Pine dans sa lettre ouverte.

« L’étude faisait référence à la « capacité d’accueil des touristes », qui est définie comme « le nombre maximum qui peut visiter une destination touristique sans causer d’effets négatifs sur l’environnement naturel, économique et socioculturel ». À Athènes, et dans de nombreux autres points chauds, ce nombre a déjà été dépassé.

« Sur la minuscule île de Santorin, les viticulteurs se plaignent depuis des années de perdre des terres au profit de nouveaux hôtels, mettant ainsi en péril leur produit unique, le vin Assyrtiko, qui doit sa qualité sèche au sol volcanique de l’île.

« Sur l’île voisine d’Ios, la concurrence des grands complexes hôteliers a presque fait disparaître les zones humides caractéristiques et leur biodiversité. »

Puis Monsieur Pine revient à Corfou :

« À Corfou, deux développements massifs menacent de détruire des écosystèmes uniques qui ne sont malheureusement pas protégés par la loi. Les dommages environnementaux ne sont pas réversibles.

« Le tourisme est la poule aux œufs d’or qui pourrait tuer la Grèce » alerte Richard Pine.

On ne sait toujours pas noir sur blanc s’il y a un lien entre les annulations des escales à Corfou et tout ça, mais le mérite de l’absence d’explication, c’est de se tourner vers les voix de la population.

Et découvre finalement quelques déclinaisons d’actuelles situations.

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.