Internet au banc des responsables de la pénurie de main-d’œuvre. Mais pas parce qu’il «vole» nos jobs…

Dossier. Souvenez-vous cette époque, quand Internet est apparu dans nos vies de tous les jours, et qu’on s’est mis à crier « au secours! Les gens vont réserver sur Internet! Le Web va voler les jobs des agents! »

Aujourd’hui, à notre époque bien actuelle de pénurie de main-d’œuvre, et bien Internet vient encore secouer les chaumières. Mais pas de la même façon.

Quand Internet vient (encore) tout remuer

Durant notre entretien avec le Collège April-Fortier sur les pistes de solutions à trouver pour en finir avec la pénurie de main-d’œuvre, la directrice générale Catherine Fortier nous a confié ceci :

« Le manque de personnel dans l’industrie du voyage est aussi le résultat de ceci : il y a une perception persistante à l’effet qu’il n’y a pas d’emploi dans le voyage. Car supposément, tout se fait sur Internet. »

Et v’lan.

« Je l’entends constamment, poursuit Madame Fortier. Le citoyen le dit, et le croit. Et c’est qui ce citoyen? C’est quelqu’un qui pourrait être un futur étudiant, et un futur employé de notre industrie. Mais il ne le devient pas à cause de cette perception dans l’opinion publique.

« Les jeunes, particulièrement, sont convaincus qu’il n’y a plus d’emploi dans le voyage parce que eux, les premiers, vont sur Internet pour faire toutes sortes de choses : s’informer, acheter, réserver.

« Les gens ne réalisent pas que ce qu’il y a sur le Web, ce n’est pas le fruit de la magie. Il faut les créer les forfaits, les itinéraires, les produits.

« Et ces gens ne sont pas des exceptions. Ils sont extrêmement nombreux.

« En bout de ligne, cette perception est un phénomène, et il est aussi responsable de la pénurie de main-d’œuvre actuelle dans notre industrie.

« Ce phénomène a un impact négatif majeur dans notre industrie. »

Question : Est-ce à dire que, à la source du problème de manque de main-d’œuvre, c’est cette perception à l’égard de l’industrie? Que la problématique de la relève, elle vient de là en fait? De cette perception dans l’opinion publique ?

Oui, absolument. Et cette problématique, nous l’avions déjà, avant la pandémie. C’est aujourd’hui amplifié parce que la pandémie a mis en lumière la fragilité des emplois dans notre industrie lorsqu’il y a des catastrophes. Mais restons optimistes.

Comment pouvons-nous renverser ce courant ?

Il faut faire passer le message. Plus que ça, nous avons un défi. Et celui-ci, c’est de convaincre la population générale qu’il y a de l’emploi dans notre industrie. Qu’il y a beaucoup de postes, beaucoup d’emplois offerts et ouverts même.

Catherine Fortier, directrice générale du Collège April-Fortier

Le Collège April-Fortier soutient largement que notre industrie a beaucoup d’emplois à offrir. Mais les employeurs doivent venir appuyer le message pour que ça marche. Avec eux, nous réussirons à passer le message dans la population.

Certains nous aident à mieux communiquer et appuyer notre message en s’impliquant. Pour donner un exemple d’initiatives, Voyages Gendron offrent des bourses aux étudiants. Et voici en quoi c’est important et intéressant : quand des employeurs font des gestes concrets comme celui-là, bien ça nous aide dans notre argumentaire. Les bourses offertes par Voyages Gendron, nous les avons fait valoir durant notre période d’inscription.

Ce type d’initiative nous aide tous à envoyer le message qu’il y a de l’emploi dans notre industrie du voyage.

Suffit-il de dire qu’il y a beaucoup d’emplois ouverts dans notre industrie ?

Il faut préciser qu’il y a une belle diversité des emplois. Car là aussi, les croyances populaires sont que, 1, il n’y a plus d’emploi dans notre industrie à cause d’Internet, mais aussi 2, qu’au terme d’un programme d’études, un étudiant ne peut que se décrocher un emploi d’agent de voyage de base.

La population doit savoir que oui, les agences recrutent beaucoup, mais aussi les voyagistes, les compagnies aériennes et etc. Et qu’elle peut occuper différents postes : à la conception des produits, au marketing, etc.

Les gens ne savent pas ce qui se fait en coulisses. Et il faut leur dire.

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Détentrice d’un baccalauréat en journalisme de l’Université Laval, Isabelle débute sa carrière de journaliste en voyage en 1995. Ses articles et reportages ont voyagé dans les magazines L’agent de voyages, Voyager et Tourisme Plus, Atmosphère d’Air Transat et le Journal Le Devoir, entre autres. Elle est co-autrice de quatre guides chez Rudel Médias (25 destinations soleil pour les vacances) et aux Éditions Ulysse (Voyager avec des enfants, Fabuleux Alaska/Yukon, Longs séjours à l’étranger). Depuis 2006 aussi, elle présente des conférences devant public.